Les conséquences de l’épidémie sur la santé mentale des personnes âgées
La crise sanitaire a frappé durement les personnes âgées aussi bien physiquement que psychologiquement. Nous n’en mesurons pas encore bien les conséquences. Mais cette crise a montré combien la société maltraitait les personnes vulnérables.(1)
Toutes les études au niveau mondial ou européen montrent que les personnes âgées ont payé un lourd tribut et peuvent être considérées comme principales victimes de l’épidémie. L’âge médian des décès du fait du COVID est de 82 ans et la moitié des personnes décédées avaient plus de 85 ans et 93% plus de 65 ans.(2)
Mais au delà des craintes et des souffrances provoquées par la maladie, le Covid 19 a eu aussi d’autres effets indirects notamment liés aux différentes périodes de confinement. Un sondage d’opinion Way en avril 2020 montrait une corrélation entre enfermement et dépression : 75 % des personnes interrogées ressentaient des moments de déprime, 56 % des troubles du sommeil et 24 % des crises d’angoisse.
Ces manifestations sont associées à d’autres facteurs, la durée de l’isolement, les conditions de revenus et de logements, la perte d’emploi mais aussi l’âge. Les personnes de plus de 75 ans ont été les plus affectées notamment en EHPAD. Ce sont elles d’ailleurs qui ont été les premières à subir les mesures de restriction en matière de déplacements et de visites.
Très rapidement, les professionnels de l’accompagnement des personnes âgées ont alerté sur les conséquences de ces mesures sur le moral des résidents indiquant que certain-e-s déclaraient préférer mourir du COVID que mourir d’ennui en l’absence de relations familiales et sociales.
Quatre éléments contribuent à la souffrance psychique des personnes âgées : la solitude, l’ennui, le sentiment d’inutilité et d’impuissance associé à la peur de la maladie et de la mort. La douleur morale engendrée par l’isolement familial et social est un facteur à haut risque de dépression d’autant que la prévalence augmente avec l’âge (+ 1 à 4 % à partir de 65 ans) et s’accentue en cas de maladie chronique (+ 25 %) et de vie en établissement (+ 25 à 50 %).
Cet état dépressif a des conséquences directes sur la perte d’autonomie entraînant le refus de s’alimenter, le renoncement à l’activité physique et au déplacement associés à la fonte musculaire et aux chutes. Cette restriction de l’autonomie accentue encore le risque d’aggravation du déclin physique et psychique. On a mesuré, avec un podomètre, la baisse du nombre de pas pendant la pandémie (de – 7 à -38 % selon les pays). Il est reconnu que les personnes en institution passent 90 % de leur temps au lit ou en fauteuil.
Deux rapports de l’association « Les petits frères des pauvres » en 2020 et 2021 sur l’isolement des personnes âgées confirment que cette crise sanitaire a eu une répercussion sur les liens sociaux et le sentiment de solitude. Mais au-delà, les personnes interrogées considèrent que les personnes âgées ont été assimilées à des personnes malades et vu-e-s comme des poids économiques, des fardeaux et qu’il faut « protéger ». La gestion de la crise et son traitement dans les médias relayant les déclarations fracassantes comme celle François de Closets (3) (il n’a pas été le seul : le philosophe André Comte Sponville, le sociologue Louis Chauvel…) ont renforcé cette idée.
Des enseignements à tirer…
Ces souffrances subies notamment par les personnes les plus âgées et les plus vulnérables doivent alerter toutes les générations sur la société que l’on veut construire : soit une société de la performance où se mènerait une guerre intergénérationnelle soit une société avec des valeurs qui permettent à toutes les personnes, quel que soit leur âge, quelle que soit leur situation socio-économique, physique ou psychique, de se réapproprier et de se voir reconnaître, dès aujourd’hui, un statut, une place à part entière dans la société pour offrir ainsi un avenir à toutes les générations.
Dominique Balducci
1 – Au sens où l’entend Cynthia Fleury USR juin 2020
2 – Chiffres 2020 de Santé Public France
3 – Le Point du janvier 2021 : « C’est la jeunesse qui compte, c’est pas les vieux ».
La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.
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