Pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, améliorer leur prise en charge, respecter leurs choix et leurs besoins, imposer nos revendications.

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Un réel besoin de places

Le panorama des EHPAD 2021, établi par Uni Santé, permet d’avoir une vision synthétique du secteur. Cette entreprise a constitué depuis 2010 une base de données qui répertorie l’ensemble des EHPAD de France métropolitaine. On en comptait ainsi 7 353 en novembre dernier répartis sur 95 départements, pour 595 982 lits disponibles. Compte tenu d’une population de 6,3 millions de personnes de plus de 75 ans, selon l’Insee au 1er janvier 2021, l’offre est en moyenne de 1 place pour 10 personnes de plus de 75 ans.

Un rapport sur les USLD (Unités de soins de longue durée) et les EHPAD a été remis à Brigitte Bourguignon début juillet 2021 par ses auteurs, les professeurs Jeandel et Guérin. Leurs recommandations visent à « assurer la pérennité du modèle d’hébergement collectif, afin que celui-ci reste un lieu de vie » et un lieu de soins exemplaire en améliorant la médicalisation.

Or, le débat fait rage autour de l’avenir des EHPAD « classiques » jugés dépassés par certains qui s’appuient même sur le scandale d’Orpea pour mettre tout le système d’accueil, public, associatif et privé dans le même panier. Les expérimentations d’EHPAD « plateforme/centre de ressources territorial » et « d’EHPAD hors les murs » illustrent ce débat autour du modèle des EHPAD à revoir promu par le gouvernement. Mais elles mobilisent des ressources, notamment médicales et soignantes, nécessaires au fonctionnement de l’établissement support alors qu’une augmentation des moyens humains serait indispensable.

Une note de la DREES de décembre 2020 projetait, à situation inchangée en matière de maintien à domicile, un besoin de 108 000 places d’Ehpad supplémentaires d’ici à 2030, et 211 000 de 2030 à 2050. Si le « virage domiciliaire » tant vanté par le gouvernement s’opérait réellement, le besoin en places d’Ehpad serait ramené au maximum à 40 000 places de plus en 2030. Mais la demande se tournerait davantage vers les résidences autonomie, avec une estimation à 140 000 places supplémentaires à la même date (soit plus du doublement par rapport à l’offre existante). Dans tous les cas de figure, même avec un développement important des habitats inclusifs qui sont la nouvelle priorité de la CNSA et des conseils départementaux,des places d’EHPAD supplémentaires seront nécessaires.

Améliorer l’encadrement

Comment répondre à ce besoin en améliorant la prise en charge des résident.es qui entrent en établissement de plus en plus âgé.es et de plus en plus dépendant.es ? En effet, la situation dans les EHPAD est déjà dramatique en raison de l’incurie des pouvoirs publics depuis des décennies. Deux points noirs : le taux d’encadrement (des résident.es par les personnels) et le recrutement.

Le taux d’encadrement moyen est, en France métropolitaine, de 0,63, soit 63 équivalents temps plein (dont la moitié de personnel soignant) pour 100 résidents. Notoirement insuffisant et dénoncé depuis longtemps par la FSU!!! Au Danemark, il est de 1,2 et à peu près identique en Allemagne et en Belgique… Le Groupe des 9 revendique un encadrement de 1 pour 1.

Pour mémoire, le rapport de septembre 2018 parlait de créer « entre 150 000 et 200 000 ETP dans le secteur d’ici 2030 du fait de la seule démographie.»

En raison « des effectifs soignants notoirement insuffisants au regard des besoins en soins et du degré de perte d’indépendance des résidents », une recommandation de la mission Jeandel-Guérin rejoint la proposition Libault d’augmenter de 25 % les effectifs d’encadrement en EHPAD. Pour rappel, elle fixait cette cible de 25 % par rapport à la période 2015-2024.

Le rapport El Khomri en novembre 2019 demandait « la création de 93 000 postes sur 2020-2025 et la formation de 260 000 professionnels sur la même période pour pourvoir les postes vacants ».

L’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Âgées), dans une plateforme récente pour améliorer l’accompagnement des personnes âgées, exige la création immédiate de 40 00 postes et plusieurs centaines de milliers d’embauches d’ici 10 ans.

Le Groupe des 9 revendique également 200 000 postes en établissements et 100 000 à domicile. Pourtant, la LFSS (Loi de financement de la Sécurité sociale) 2022 n’en prévoit que 10 000 d’ici 2025, à peine plus d’une embauche par EHPAD. Le candidat Macron, dans la présentation de son programme, en évoque 40 000 sur son prochain mandat… Sous-évaluation volontaire et organisée des moyens indispensables pour répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie alors que le système est au bord de la rupture.

Des personnels qualifiés, formés et bien rémunérés

Le recrutement de professionnels qualifiés est extrêmement difficile, aggravé par la pandémie, dans un contexte de pénurie et dans un secteur qui manque attractivité (salaires trop faibles, conditions de travail pénibles, formation insuffisante, manque de reconnaissance …). Les problèmes pour recruter des IDE (Infirmier.e diplômé.e d’Etat), des AS (Aide-Soignante) et des AMP (Aide médico-psychologique) sont quotidiens si bien que les AS se voient contraint.es d’assurer des tâches qui correspondent aux missions des infirmières dans le circuit du médicament et les soins de nursing. Les établissements font de plus en plus appel à des « faisant fonction d’aide-soignant.es » non qualifiées. La pratique devient courante de rémunérer des auxiliaires de vie, habituellement chargé.es de tâches hôtelières (ménage, repas, etc.). Le manque de personnels touche les médecins coordonnateurs : plus de 30% des établissements avaient un poste de médecin coordonnateur vacant en 2020. La crise atteint aussi les postes de directeurs et d’animateurs.

Des temps de kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, podologue, psychologue, diététicienne et assistante sociale seraient bienvenus pour une prise en charge globale des résident.es.

Aujourd’hui plus que jamais, le secteur de la santé et du médico-social doit faire face aux absences de personnels soignants (en lien avec la pénibilité des postes et le découragement lié aux conditions de prise en charge des résidents). Plusieurs dispositifs peu satisfaisants existent pour pallier cette difficulté. Les principaux sont le recours à des CDD et à l’intérim pour les remplacements ainsi que la réaffectation des effectifs présents, en alourdissant leurs tâches. Le turn-over des personnels en ehpad se répercute sur la qualité des soins rendus aux résident.es et sur leur bien-être quotidien. Il participe de cette maltraitance institutionnelle que les professionnels eux-mêmes et les familles n’hésitent plus à dénoncer.

L’avenir des EHPAD nécessite des investissements publics importants et une augmentation de la part du PIB consacrée à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie bien au-delà des 1,4 % actuels. Des ressources et des solutions de financement solidaire existent. C’est une question de volonté politique et de choix de société. Ce choix de société, le SNES et la FSU le portent grâce à la revendication d’un grand service public de l’autonomie à domicile comme en établissement, avec le personnel nécessaire, bien formé, qualifié et correctement rémunéré.

Marie-Laurence Moros

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