« L’inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix ».*

Qu’est-ce que la « perte de pouvoir d’achat de la monnaie » ?

Comme souvent en économie, il est important de distinguer le «nominal» du «réel». Une valeur en «nominal» correspond à un nombre pris en valeur absolue, indépendamment de toute autre valeur. A l’inverse, une valeur exprimée en termes « réels » est rapportée à d’autres éléments, généralement les prix. Prenons un exemple pour comprendre : imaginons qu’au 1er janvier de l’année N, on dispose de 100€ et la baguette de pain coûte 1€. Notre pouvoir d’achat est donc de 100 baguettes de pain. En nominal, nous disposons donc de 100€. Ces 100€ ont une valeur « réelle » de 100 baguettes. Si durant l’année N, il y a une inflation de 5% et que le prix de la baguette de pain passe à 1,05€. Avec 100€, on ne peut plus qu’acheter 95,2 baguettes (100/1,05). En nominal, on dispose toujours de 100€ mais la valeur réelle de ces 100€ n’est plus que de 95,2 baguettes. Le pouvoir d’achat de nos 100€ a donc été réduit. Puisque la monnaie n’a d’intérêt que parce qu’elle peut être convertie en biens et services, la valeur nominale a peu d’importance, ce qui compte c’est ce que permet d’acheter cette monnaie.

Qu’est-ce que l’ « augmentation générale et durable des prix » ?

Cette définition nous donne surtout des éléments sur ce qui n’est pas considéré comme de l’inflation. En effet, si l’inflation correspond à une augmentation générale et durable des prix, cela signifie qu’une augmentation temporaire et ciblée du prix de certains produits n’est pas assimilée à de l’inflation. Au début de la crise sanitaire, la ruée sur les gels hydro-alcooliques a fait exploser les prix de ces produits, obligeant même le gouvernement à réagir et à bloquer les prix. Les prix ont rapidement retrouvé leur niveau d’avant crise. Cet épisode de très forte augmentation des prix, qui concernait quelques produits en particulier et a duré très peu de temps ne peut être considéré comme de l’inflation au sens économique du terme. Pour autant, ces augmentations, même temporaires, sont prises en compte dans le « taux d’inflation » appréhendé par l’Indice des Prix à la Consommation.

Le pouvoir d’achat est une notion centrale dans le débat politique et revendicatif.

Les chiffres sur le pouvoir d’achat au sens statistique sont constamment mis en avant sur la scène médiatique et par les dirigeants politiques. Le pouvoir d’achat se définit par la capacité d’achat de biens et services associé à un revenu donné.

Les statistiques officielles le présentent en dynamique, c’est-à-dire que ce n’est pas le pouvoir d’achat à un instant T qui est calculé mais son évolution par rapport à une période précédente.

L’indicateur le plus médiatisé et repris par les dirigeants politiques est l’indicateur agrégé. Cet indicateur mesure l’évolution du pouvoir d’achat global de l’ensemble des revenus des français.

Il ne se préoccupe en aucun cas des questions de distribution des gains de pouvoir d’achat au sein de la population. Ainsi, une augmentation de 1% du pouvoir d’achat global peut être totalement accaparée par 10 % de la population si ce sont les revenus du capital qui ont augmenté par exemple. L’augmentation globale peut cacher de fortes inégalités internes.

Le fait que le chiffre le plus relayé soit l’indicateur agrégé pose également d’autres questions. Cet indicateur s’intéresse au pouvoir d’achat global et ne prend aucunement en compte les évolutions démographiques et sociales. Forcément si la population augmente, il est normal que le pouvoir d’achat global augmente.

Pour faire face à cette limite évidente, l’Insee calcule trois autres indicateurs :


le pouvoir d’achat par personne, qui prend en compte l’accroissement de la population, le pouvoir d’achat par unité de consommation, le pouvoir d’achat par ménage.

Le nombre d’unités de consommation et a fortiori le nombre de ménages augmentent plus fortement que le nombre de personnes car il y a une tendance à la décohabitation pour diverses raisons (étudiants qui quittent plus tôt le domicile parental, augmentation du nombre de couples séparés et ainsi de ménages monoparentaux…). Ces indicateurs offrent des chiffres plus proches de la réalité ressentie par les individus que le chiffre agrégé.

Source : Insee

Sur 20 ans, la différence apparaît significative. Le pouvoir d’achat global a augmenté de 33,1% (soit 1,4% par an) mais si on s’intéresse au pouvoir d’achat par unité de consommation, l’augmentation n’est plus que de 16% (soit 0,75% par an).

Pire, le pouvoir d’achat par ménage n’a lui augmenté que de 8,8% en 20 ans (soit 0,38% par an), il était en 2020 inférieur à son niveau de 2010.

Si peu de gens se retrouvent dans l’évolution du pouvoir d’achat tel que relayée par les médias, c’est bel et bien parce que cet indicateur vise à calculer une situation globale sans se soucier des détails et donc de leur situation personnelle.

L’estimation de la Banque de France d’une hausse de l’inflation de 4,4 % inquiète les salariés, retraités et privés d’emploi qui n’arrivaient déjà pas à boucler leur fin de mois. En décembre 2021, l’inflation en France est estimée par l’Insee à 2,8% sur un an. Près de la moitié de ces 2,8% provient directement de l’augmentation du prix de l’énergie (carburants, électricité, gaz) qui a vu son prix augmenter de 18,6% en un an du fait de son coût de production et de transport, puisqu’en France nous importons une forte part des biens que nous consommons. L’augmentation (3,3% en un an) du prix de produits frais est importante: pour conserver la fraîcheur des produits, qu’ils soient importés ou non, il faut utiliser des moyens de transports rapides, très consommateurs de carburants et donc très sensibles aux hausses de prix. Avec la flambée des prix de l’énergie, la prévision de l’inflation pour 2022 dépasse les 4%. Cette poussée attise les craintes du patronat : des revalorisations salariales nous feraient tomber dans la spirale inflationniste ! L’inflation est souvent présentée comme un mal à combattre. Accusées d’en être la source, les politiques libérales ont prôné la modération des salaires. Ainsi, depuis 1982, ils ne sont plus indexés sur les prix. En fait, l’obsession pour la maîtrise de l’inflation a surtout favorisé les détenteurs de capitaux au détriment des classes populaires et moyennes. Les gains de productivité dans les entreprises ont d’abord alimenté les profits dont une part de plus en plus importante a été reversée, sous forme de dividendes aux actionnaires. Cette sur- accumulation des richesses s’est faite au détriment des investissements et a accentué les inégalités. La course aux prix bas a favorisé le dumping social, a encouragé les délocalisations et a détruit l’emploi. Ce choix politique a entraîné une détérioration de la balance commerciale et a amplifié la dette publique. Une occasion pour faire pression sur les salaires et les conditions de travail dans les entreprises. Un prétexte pour imposer l’austérité budgétaire dans les services publics et tailler dans les droits de la protection sociale (retraites, assurance maladie, chômage…). Pour répondre à la baisse du pouvoir d’achat, la solution, c’est d’abord de permettre aux salariés et retraités de faire face aux hausses de prix et de mieux consommer, en revalorisant les salaires et les pensions au-dessus des prix. Les propositions de la FSU dans le Groupe des 9: Retour à l’indexation de nos pensions sur les salaires; pas de pensions inférieures au SMIC; rattrapage des pertes de pouvoir d’achat ; amélioration des pensions de réversion; annulation de la hausse de la CSG de 1,7 point décidée en 2017.

Jean-Bernard Shaki

* Définition de l’inflation selon l’Insee.

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