Contribution de la SFRN (section fédérale des retraité.es de la FSU)

Le sujet, c’est la Sécu à 100%.

Le contexte

C’est celui d’une crise particulièrement aiguë du système de santé qui est avant tout le produit des choix politiques faits depuis les années 80.

Cette crise révèle les impasses d’une politique qui combine étatisation et privatisation, instaure une logique de marché aux dépens des valeurs de solidarité et d’égalité dans l’accès aux soins.

Depuis des années, le marché des complémentaires santé se développe suite au choix politique de réduire le champ d’action de la Sécurité sociale. Ce système d’assurance santé à deux étages est coûteux et inégalitaire.

Avoir une « bonne » complémentaire (« mutuelle » par abus de langage) est devenu indispensable pour réduire les coûteux restes à charge, ne serait-ce que, par exemple, pour faire face aux scandaleux dépassements d’honoraires.

La nécessité a imposé les complémentaires comme un horizon indépassable, une version de l’adage néo-libéral du « no alternative ! ». 

Certes, ce système a fait l’objet de nombreuses critiques, mais sans que celles-ci se soient imposées dans le débat public ou relayées par des forces significatives.

La Sécu à 100 %, le mandat de la FSU

Dans nos congrès (fédération et syndicats nationaux), le mandat d’une « Sécu à 100 % des soins prescrits » a été adopté à l’issue de débats nombreux.

Mais le choix de l’expression « tendre vers » révélait une forme de réticence à considérer cette alternative comme crédible dans le présent.

Cette expression a disparu dans le texte du Congrès de Metz et la nouvelle formulation marque un vrai progrès : «  La reconquête de la Sécurité sociale, pour un remboursement à 100% des soins prescrits est une urgence ».

Ce positionnement fait écho à un événement début 2022, insuffisamment pris en compte par le mouvement syndical: le surgissement (enfin) de l’objectif d’une « grande Sécu » dans le débat public

La crise du Covid a mis en valeur le rôle de la Sécurité sociale et des finances publiques. La crise du système de santé dans ses différents aspects a contribué à alimenter de nombreuses critiques dont celles contre le système d’assurance à deux étages.

Les voix d’André Grimaldi, Didier Tabuteau, Frédéric Pierru, Brigitte Dormont, Pierre Louis Le Bras, dans leur diversité, sont devenus audibles, les tribunes dans la presse se sont multipliées et, fait significatif, des institutions comme le HCAAM, la Cour des Comptes ont publié des rapports très critiques sur les complémentaires. Le HCAAM a fait en plus des propositions d’alternatives. Citons aussi la réflexion de l’IRES (Revue de l’IRES, « Assurance Santé, aux frontières du public et du privé », n°103-104) et l’excellent numéro de la revue « Pratiques » (La Grande Sécu que nous voulons n°37).

Dernièrement la tribune dans Le Monde (13 et 14 novembre 2022) d’un collectif de personnalités du milieu médical et de la recherche clame : « Dans cinq ans, il sera trop tard pour sauver notre système de santé ! » et dessine plusieurs pistes.

Bien sûr, il y a de nombreuses différences et intentions dans ce débat, mais l’essentiel est que l’horizon d’une alternative est devenu crédible et que celle-ci fait débat. Les organisations syndicales ne peuvent en être absentes. Pour la FSU, c’est le sens du mandat du Congrès de Metz, et de la dernière note du GAR (Groupe Actif/ves- Retraité-es)pour le CDFN dont le titre est : « Une réforme qui impose d’engager la bataille pour le 100 % Sécu en soins prescrits »…

« Il importe de créer des convergences avec les Hauts Fonctionnaires qui se sont prononcés contre les complémentaires coûteuses et injustes, avec les militant-es mutualistes, avec le mouvement mutualiste qui est en faveur du 100 %, avec le mouvement syndical et associatif. La FSU pourrait prendre l’initiative de rencontres, de tribunes dans les médias… C’est urgent »

A noter dans ce contexte, l’étude de l’association « Que choisir » précisant l’ampleur des déserts médicaux aggravés par les inégalités territoriales et l’impact des dépassements d’honoraires.

Le débat doit donc porter sur les initiatives à prendre.

La Protection Sociale Complémentaire

La question de la PSC obligatoire intervient dans ce contexte.

Le Congrès de Metz a affirmé : « L’ordonnance de février 2021 et l’accord relatif à la PSC des agents de l’État instaurent un modèle qui ne correspond pas à ce que porte la FSU ». Le problème est que ce modèle poursuit sa marche en avant.

Quelques faits en témoignent :

Le transfert à l’initiative du gouvernement de 150 millions en 2023 puis 300 millions en 2024-2025 du budget de la Sécu vers les complémentaires. La présidente de France Assureurs ne s’y est pas trompée : « Quand on nous annonce plusieurs centaines de millions d’euros en plus, c’est l’inverse de la grande Sécu ».

Il semble qu’avec le changement de ministre, les équilibres politiques penchent davantage du côté des complémentaires.

Cerise sur le gâteau : les complémentaires sont invitées à choisir ce qu’elles proposent de prendre à la Sécurité sociale !

La Mutualité française lorgne du côté des futurs bilans de santé à 25, 45 et 65 ans alors que dans le Projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), ils sont réservés à la seule Sécurité sociale. Les assureurs regardent plutôt du côté du numérique, mais aussi de la participation au remboursement des auxiliaires de santé (infirmières, kinés…).

Le prochain épisode sera décisif : l’appel d’offres

En 2023 et en 2024, les complémentaires seront en concurrence pour répondre aux appels d’offre faits par chaque ministère afin de désigner quel sera l’opérateur qui proposera le contrat de groupe auquel les fonctionnaires de ce ministère seront obligatoirement affiliés. Contrats qui interviendront dès le début de 2024 (2025 pour l’Éducation nationale).

Pour les ministères les plus importants, comme l’Éducation nationale, il n’est pas exclu que le marché soit divisé en lots (géographiques, par structures d’enseignement,…).

Actuellement, nous ne sommes pas dans une phase dormante : les complémentaires élaborent leur stratégie pour emporter les marchés. Ce qui nous interpelle sur notre propre stratégie.

Un mot sur la MGEN

La MGEN a 2 millions d’adhérents en contrats individuels (facultatifs), elle est le principal assureur santé dans la Fonction publique d’État et a des adhérents dans la Fonction publique territoriale, ainsi que quelques milliers dans la Fonction publique hospitalière. C’est un bastion du mouvement mutualiste qui a joué un grand rôle dans la Mutualité de la Fonction publique.

Aujourd’hui, la MGEN est la principale complémentaire menacée par la mise en œuvre de la PSC dans la Fonction publique avec des arrières pensées politiques du gouvernement (pour affaiblir le bastion de l’héritage mutualiste) et commerciales des assureurs (pour leur ouvrir le marché le plus important de la Fonction publique d’État).

Le basculement d’un marché fondé sur les contrats individuels et relativement protégé vers un marché plus concurrentiel en contrats collectifs, où les assureurs sont offensifs et plus agressifs  mettra la MGEN en difficulté.
D’autant que les tarifs de groupes sont moins rémunérateurs que ceux des contrats individuels.

Pour faire face à cette situation, la MGEN est engagée dans des pratiques que nous qualifions de dérives vis à vis des valeurs mutualistes (notamment la solidarité), et qui sont pour ses dirigeants actuels des stratégies d’adaptation aux lois du marché. Quel dialogue est possible ?

Une stratégie classique consiste à rogner sur les coûts pour être « compétitif » et sur les tarifs pour taxer ceux qui « coûtent cher ».

La mutuelle va dans un premier temps supprimer 800 emplois, soit près de 20 % des effectifs de sa fonction d’assurance. (Les Échos, Amélie Morin, 24 octobre 2022). Il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’il y a quelques mois les adversaires de la Grande Sécu s’écriaient: « Mais qu’allez-vous faire des salariés des mutuelles ? ».

Autre stratégie : moduler les tarifs en fonction du risque santé. Taxer ceux qui « coûtent cher » dans le vocable managérial. Des taux liés à l’âge et aux options sur le panier de soins. Les retraité-es sont bien sûr les plus visé-es par la hausse des cotisations. L’instauration en 2023 de 4 taux au-delà de 60 ans en est la confirmation

En difficulté sur son « marché de base », la MGEN va tenter de compenser ces pertes en essayant de prendre des parts de marché dans d’autres ministères au détriment  notamment des mutuelles déjà en place. Cette ambiance fortement concurrentielle va aboutir à une concentration accrue, sous la forme d’absorption ou de partenariats. Quid de l’esprit mutualiste et de l’unité entre les mutuelles de la Fonction publique ?

Le dernier constat porte sur la grande victime : la démocratie.

Toutes ces évolutions se font sans débat démocratique et sans information réelle des adhérents de la MGEN notamment.
Le déficit démocratique est patent :
– au sein des mutuelles, où la technocratie managériale a pris le pouvoir au détriment des militants attachés aux valeurs mutualistes et des instances statutaires de débat et de décision.
– au niveau de la société : malgré la percée il y a quelques mois en faveur de la « Grande Sécu » dans le débat public, la démocratie dans le domaine de la santé reste un projet à travailler. Pourtant la santé et l’attachement à la Sécurité sociale sont des thèmes très forts du lien démocratique dans la société française.

La FSU, qui n’accepte pas que la santé soit mise sur le marché, doit travailler à l’émergence d’une alternative partagée avec toutes les forces disponibles et donnant corps à l’objectif du « 100% Sécu ».

Quelle place pour notre syndicalisme dans ce combat ? Quelles évolutions sont nécessaires dans nos pratiques et nos modes d’organisation ?

Quel plan d’action ? Parmi les pistes envisagées : tribune, campagne envers les syndiqué.es, séminaire, colloque intersyndical, stages, articles réguliers dans nos publications, publications spécifiques, réunions départementales …

SFRN, 21 novembre 2022

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La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

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