CDCA : de quelques dossiers d’actualité : décrets et loi du « bien vieillir ».

Le secteur de l’autonomie et notamment les EHPAD font l’objet de nombreuses évolutions actuellement :

– Décret sur l’expérimentation de la fusion des sections « soins » et « entretien de l’autonomie » (dépendance) ;

– Décret du 1er janvier 2025 : tarifs afférents à l’hébergement dans les EHPAD totalement ou majoritairement habilités au titre de l’ASH.

A cela s’ajoute le décret sur la création de la Conférence Nationale de l’autonomie.

L’année 2025 verra la mise en place généralisée du Service Public Département de l’Autonomie avec la création de conférences territoriales de l’Autonomie chargées de piloter le dispositif, la création de la Conférence nationale de l’autonomie, prévue par la loi « du bien vieillir », promulguée de 8 avril 2024, a fait l’objet d’un projet de décret. Disons que ces textes s’ils apportent une certaine clarification, ils sont loin de répondre aux besoins et attentes des personnels et des personnes concernées. La situation sinistrée du secteur ne peut se résoudre que par une réponse globale et ambitieuse.

1°) Projet de fusion des sections « soins et dépendance »

Certes la mesure simplifiera probablement la gestion des établissements mais la fusion des deux sections aurait pu être l’occasion de la disparition de la contribution du résident au forfait dépendance d’autant plus que le financement sera assuré par la 5ème branche de la Sécu à laquelle les retraité-es contribuent. Rien n’est dit sur le forfait hébergement que 70 % des résident-es ne peuvent régler avec leur seule pension. Le forfait global unique inclut une participation financière du résident. Assis sur la valeur du point GIR noyau pondéré, le niveau de la participation financière, décidé au plan ministériel sera indépendant au niveau de perte d’autonomie et de ressources des résident-es. Comme elle n’a pas le caractère d’un ticket modérateur, elle ne peut être prise en charge par une complémentaire ni exonérée au titre d’une ALD mais éventuellement par l’aide sociale départementale.

Pour les bénéficiaires de l’aide sociale, un montant minimal leur est garanti. Le financement ne sera plus assuré par le département et c’est l’ARS qui assurera le pilotage de la réforme qui ne résoudra pas la situation catastrophique des EHPAD ni les besoins des résident-es : aucun soignant de plus, rien sur le RAC ni sur l’accompagnement des personnes de plus en plus nombreuses en troubles cognitifs.

Enfin l’expérimentation qui concerne 23 départements va créer des inégalités importantes avec les départements qui n’en font pas partie et ce pendant 4 ans !

2°) Décret relatif aux tarifs afférents à l’hébergement dans les EHPAD totalement ou majoritairement habilités au titre de l’ASH, paru le 1er janvier 2025

Pour faire face aux grandes difficultés financières des EHPAD publics et associatifs, (66 % en 2023), les EHPAD habilités à l’ASH (totalement ou majoritairement) ont la possibilité d’opter pour un tarif hébergement libre pour les résident-es non bénéficiaires de l’ASH après en avoir simplement informé le conseil département. Le décret fixe un écart maximum de 35 % ! Ainsi ce sont les résident-es (et leurs familles) qui sont censés « sauver » les EHPAD avec des augmentations de tarifs qui peuvent aller jusqu’à 35 %. Le tarif libre ne sera applicable qu’aux résident-es dont l’accueil intervient au 1er janvier 2025.

Cette mesure est scandaleuse pour de multiples raisons ; au-delà du principe même, irrecevable :

– En EHPAD, à peine 20 % des résident-es bénéficient de l’ASH alors qu’on estime que près de 75 % ne peuvent pas assurer le tarif hébergement avec leurs seules pensions et doivent recourir à des sources de financement complémentaires (patrimoine – enfants) ;

– Le non recours à l’ASH s’explique notamment par l’obligation alimentaire et le remboursement sur succession ;

– L’augmentation des tarifs ne signifie pas que la qualité d’hébergement soit améliorée : les résident-es pourront payer plus cher pour une moins bonne qualité si la hausse des tarifs n’est utilisée que pour réduire les déficits des établissements ;

– L’augmentation va percuter les non bénéficiaires : les « basses » pensions qui sont éligibles à l’ASH et qui ne la demandent pas toujours ainsi que les autres retraité-es, notamment celles et ceux dont la pension mensuelle est comprise entre 1 800 euros et 2 200 euros.

Calcul du HCFEA (avis du 12/12/2024) : « une augmentation de 10 euros journaliers qui constitue une estimation basse des augmentations potentielles à terme, constituerait une baisse de 14 à 17 % de leur niveau de vie à ce stade ».

« Ainsi que l’indique le Rapport d’évaluation des politiques de Sécurité sociale autonomie de juin 2024, avec une aide publique à hauteur de 428 euros en moyenne (338 euros au titre de l’APA, 44 euros d’aides au logement et 46 euros de réduction d’impôts), les résident-es aux pensions modestes sont en situation de « reste à vivre sous ressources courantes négatifs ».

Pour les personnes habilitées à l’ASH, la possibilité de bénéficier du dispositif sans surloyer est mal assurée par le seuil de déclenchement à 25 % de la clause suspendant la modalité de la loi. Or la demande en ASH diminue.

Cette mesure remet en cause la mission d’accueil « inconditionnel et social » des EHPAD habilités.

Ce décret qui vise à faire supporter les difficultés des EHPAD aux résident-es et à leurs familles, sans résoudre la situation des établissements et leurs problèmes structurels est inacceptable.

3°) Projet de décret sur la mise en œuvre de la conférence nationale de l’autonomie (CNA)

La CNA est issue de la loi du 8 avril 2024 portant sur le « Bien vieillir » et composée de 47 membres. La CNA sera coprésidée par les ministres de la solidarité et de la santé et la CNSA. Elle est réunie par les deux ministres au moins une fois tous les 3 ans. Elle a pour mission « de définir les orientations et de débattre des moyens de la prévention de la perte d’autonomie ». Un lien entre CNA et CTA (Conférence territoriale de l’autonomie, chargée de coordonner le SPDA) est prévu : chaque CTA a pour mission « d’allouer des financements pour prévoir la perte d’autonomie et pour soutenir le développement de l’habitat inclusif ».

Les représentant-es d’organisations syndicales ou d’employeurs sociaux sont exclu-es de la CNA.

On peut par ailleurs s’interroger sur l’efficience d’une telle instance (réunie tous les 3 ans) alors que le HCA qui débat de ces questions est tout à fait habilité à prendre en charge ce dossier.

On peut s’étonner de la création d’une nouvelle instance qui ne semble pas nécessaire alors que les politiques nationales visent plutôt à en réduire le nombre.

Ces différents textes que le G9 récuse, confirme la nécessité d’une loi « grand âge » de financement et de programmation et d’un service public national de l’autonomie.

4°) Le Service Public Départemental de l’Autonomie

Sa mise en place est prévue dans l’année 2025 pour tous les départements. L’objectif est d’assurer « l’accompagnement continu des personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap dans un parcours de vie qu’elles ont choisi » (rapport Libault 17 mars 2022). Pour ce faire, il s’agit aussi de « coordonner l’ensemble des professionnels et acteurs des structures des secteurs sanitaire, social et médico-social ». « Le parcours se définit dans le continuum de l’accompagnement des patients et usagers dans un territoire de santé donné ». Quatre blocs de missions : information, accueil, orientation, mise en relation ; instruction des droits ; solutions concrètes de prise en charge, prévention, repérage, « aller vers ». La première mission se fera par voie numérique, téléphonique et « physique ».

Si le rapport insiste sur la nécessité d’avoir des personnels bien formés et d’améliorer l’attractivité des métiers, il affirme que « les financements supplémentaires nécessaires au fonctionnement du STPA seront modestes  (…) compte-tenu des financements existants ». Cette déclaration confirme les limites du SPDA. Si on ne peut nier la nécessité de mettre l’usager au centre du dispositif, de rendre les parcours plus lisibles, il ne correspond pas au principe essentiel d’un SP : accès égal pour toutes et tous indépendamment de leurs conditions sociales ou lieux de vie. Le SDPA ne garantit pas les ressources suffisantes en personnels en établissement pour répondre aux besoins des usagers et ne traite nullement de la question du RAC alors que les renoncements aux soins augmentent. Cerise sur la gâteau : la Conférence Nationale de l’autonomie (déclinée au plan local) ne prévoit aucune représentation syndicale en son sein. La revendication d’un Service Public National de l’autonomie est plus que jamais d’actualité.

5°) Loi du bien vieillir et de l’autonomie – 8 avril 2024

Avec le G9, nous en avons souligné l’insuffisance.

Principaux points :

1. Renforcer le pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie et lutter contre l’isolement social

  • Conférence nationale de l’Autonomie : réunie tous les 3 ans ! Sa composition exclut les forces syndicales et associatives (voir point 3).
  • Service Public département (voir point 4)

2. Promouvoir la bientraitance en luttant contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux

  • Désignation d’une personne de confiance ;
  • Droit de visite quotidien ;
  • Droit d’accueillir un animal de compagnie ;
  • Mise en place d’une cellule de recueil et de traitement des alertes en cas de maltraitance.

3. Renforcer l’autonomie des adultes vulnérables en favorisant l’application des principes de subsidiarité

4. Garantir à chacun des conditions d’habitat ainsi que des prestations de qualité et accessibles grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leurs pratiques

  • Une carte professionnelle en 2025 pour les aides à domicile ;
  • Une aide financière de la CNSA pour les départements (mobilité temps de dialogue) ;
  • Une expérimentation (2025-2026) dans dix départements : remplacer la tarification horaire de services d’autonomie à domicile par une tarification globale ou forfaitaire ;
  • La suppression de l’obligation alimentaire pour les petits enfants ;
  • Les ARS pourront instaurer un quota minimal de chambres réservées à l’accueil dans les EHPAD à titre expérimental de juin 2024 à juin 2026 ;
  • Articles sur le contrôle des Ehpad en cas de « changement important dans l’activité, l’installation, l’organisation, la direction ou le fonctionnement d’un établissement » ;
  • Tarifs afférents à l’hébergement des personnes ne bénéficiant pas de l’ASH (voir point 2) ;
  • Règles relatives à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas : cahier des charges ministériel ;
  • Habitat inclusif.

Certes certaines mesures pourraient être intéressantes si elles étaient financées avec notamment des moyens en personnels qualifiés. D’autres vont à l’encontre de nos propositions.

A noter l’article 10

Article 10 : Avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge détermine la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie des personnes âgées, pour une période minimale de cinq ans.

Elle définit les objectifs de financement public nécessaire pour assurer le bien-vieillir des personnes âgées à domicile et en établissement et le recrutement des professionnels ainsi que les moyens mis en œuvre par l’État pour atteindre ces objectifs.

Déclaration récurrente ! Les discours officiels d’austérité ne reprennent pas cet article de la loi pourtant votée.

Nos mandats pour une loi grand âge ambitieuse de programmation et de financement et pour un grand service public national restent d’actualité et urgents.

Marylène Cahouet

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La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

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