Notre mandat de prise en charge à 100 % des soins médicaux

Attachée à la logique solidaire de la Sécurité sociale qui prévalait en 1945 (« Chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins »), la FSU a dénoncé le glissement opéré au fil du temps vers une « complémentaire pour tou-tes » censée pallier les insuffisances d’une assurance maladie obligatoire de plus en plus repliée sur les « risques lourds ».
Depuis plusieurs congrès, et notamment celui de Poitiers en 2013, notre fédération réaffirme la nécessité de mener une politique ambitieuse de santé publique :
qui développe la prévention à tous les âges de la vie avec un budget conséquent,
qui revienne sur les régressions imposées (déremboursements, franchises, forfait hospitalier),
et qui couvre tous les besoins en tendant vers un taux de remboursement de 100 % des soins médicaux.
Notre mandat ne signifie évidemment pas que la sécurité sociale devra à terme rembourser toutes les dépenses de santé (y compris les dépassements d’honoraires, les prix exorbitants de certains médicaments ou biens médicaux, la chirurgie esthétique qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la réparation, certaines cures …).
Un débat démocratique sera donc nécessaire, notamment pour :
décider quelles seront les dépenses utiles que la sécurité sociale devra obligatoirement prendre en charge (à 100%), On pourrait, par exemple, proposer que les choix s’opèrent à partir d’études épidémiologiques et soient arrêtés par l’Etat, les représentants-es des salarié.es, des organisations d’usagers et des professionnel.les de santé avant d’être votés par le Parlement.
promouvoir une autre politique du médicament ce qui suppose la création d’un pôle public du médicament ( mandat de congrès)
développer la prévention à tous les niveaux, y compris par une politique de dépistages systématiques ou ciblés,
engager une politique de juste rémunération de tous les actes médicaux et interdire à terme les dépassements d’honoraires,
développer les moyens d’accompagnement à domicile et les structures d’accueil pour les personnes dépendantes,
rétablir une vraie démocratie sanitaire.
Défendre le principe d’une protection sociale obligatoire et solidaire de haut niveau pour tou-tes pose par ailleurs nécessairement la question de son financement. La FSU s’est depuis longtemps prononcée pour que soient mobilisées des recettes supplémentaires dans le cadre d’une autre politique de l’emploi, des salaires et de redistribution des richesses.

Un mandat qui permet de corriger un système à deux étages coûteux et inégalitaire

La France se distingue par la mixité de son système d’assurance-maladie, avec deux types d’opérateurs qui concourent à la couverture des mêmes soins :
– la sécurité sociale (ou assurance maladie obligatoire : AMO
– les opérateurs complémentaires (ou assurance maladie complémentaire : AMC).
Mais ce système à deux étages est très coûteux en termes de gestion1,
L’étage « complémentaire » de ce système est par ailleurs très inégalitaire avec :

une segmentation des risques (les cotisations ne sont pas fonction des revenus mais de l’âge et de la couverture choisie parmi plusieurs niveaux de garanties),
des contrats obligatoires dans le privé financés à 50 % par l’employeur et largement subventionnés par des aides publiques alors que…
les fonctionnaires bénéficient, au mieux, d’une participation dérisoire de leur employeur,
les chômeurs, les retraités et les jeunes qui n’ont pas encore trouvé un emploi sont laissés sur la touche,
un « reste à charge » du patient qui pousse les salariés qui le peuvent à souscrire à une sur-complémentaire.

Bon nombre de citoyens ne font plus la différence aujourd’hui entre les trois familles d’opérateurs complémentaires (assureurs privés, institutions de prévoyance et mutuelles) et cherchent avant tout à obtenir la couverture la plus avantageuse au moindre coût :
Certains opérateurs complémentaires encouragent et pérennisent les dépassements d’honoraires en les remboursant en grande partie2,
Les mutuelles ont de plus en plus de mal à maintenir les solidarités face à la concurrence des assurances privées qui offrent des prestations en fonction des sommes versées,
Les contrats d’assurance complémentaire sont illisibles et opaques.
Le mouvement mutualiste perd du terrain :
Dans la Fonction Publique d’État, la seconde vague de référencement accentue la segmentation des populations couvertes en multipliant le nombre d’opérateurs référencés, remet en cause la notion même de mutualisation large des risques en multipliant les niveaux de couverture et les   « options » qui s’apparentent à une sur-complémentaire. Hormis celui des finances, tous les ministères se sont soumis à l’injonction de la DGAFP en excluant la couverture de la perte d’autonomie des offres donnant droit au référencement. Ils ont donc fait le choix d’une régression des droits pour leurs agents ou d’une couverture « en option » – plus coûteuse pour les personnels – du risque de perte d’autonomie.

Aucune mobilisation n’a été initiée par les mouvements syndical et mutualiste pour reconquérir une protection sociale de haut niveau pour tous, revenir sur les désengagements passés de la sécurité sociale et faire vivre les valeurs mutualistes.
Le quinquennat de F. Hollande s’est même caractérisé par deux mesures emblématiques qui n’ont fait qu’entériner le glissement largement entamé :
généralisation de la complémentaire pour les salariés du privé à compter du 1er janvier 2016,
label Senior + pour les retraités de plus de 65 ans3

Quel rôle demain pour le mouvement mutualiste ? Quelques pistes de réflexion

Tendre vers une prise en charge à 100 % des soins médicaux par la sécurité sociale ne signifie pas que nous serions prêts à nous passer de la force du mouvement mutualiste et du savoir-faire de ses acteurs.
Il faudrait au contraire préserver cette force et ce savoir-faire en les mettant au service de missions renouvelées qu’il conviendrait de définir avec les acteurs du monde mutualiste.

On pourrait envisager plusieurs cas de figure qui ne s’excluent pas forcément entre eux :
En attendant le 100 %, la sécurité sociale pourrait dans un premier temps devenir l’assureur complémentaire comme c’est le cas aujourd’hui en Alsace-Moselle (moyennant une surcotisation) : les mutuelles pourraient alors fusionner avec la Sécu dans une « assurance maladie universelle » qui rembourserait la totalité des soins jusqu’ici financés à la fois par l’assurance maladie obligatoire et l’organisme complémentaire. Cela économiserait des frais de gestion et les dépenses liées au marketing et à la publicité dans le cadre de la concurrence entre complémentaires.

Dans le cadre d’une prise en charge des dépenses de santé à 100 % par la sécurité sociale, certains prix facturés seront quand même supérieurs à ce que la nation aura démocratiquement décidé de rembourser intégralement à tou-tes (par exemple, une monture de lunettes hors gamme, une chambre particulière à l’hôpital, des soins thermaux, des médecines alternatives…) : les complémentaires santé pourraient alors basculer vers des « supplémentaires » censées prendre en charge ce qui ne sera pas remboursé par la Sécurité sociale),

Par ailleurs le mouvement mutualiste a su faire des choses intéressantes en matière de prévention et d’éducation à la santé. Avec ses 38 millions de membres et son maillage territorial, il représente une force qu’il convient de conserver pour poursuivre et développer ce travail de prévention et d’éducation à la santé sur l’ensemble du territoire.
Le mouvement mutualiste a également su organiser des soins dans des établissements et centres de santé. Une prise en charge à 100 % ne s’oppose pas à ce que la mutualité continue de gérer les établissements et centres qu’elle a créés. Il ne faut pas non plus exclure la possibilité que la sécurité sociale les reprenne pour en assurer la gestion avec le concours des salariés et des professionnels employés jusque-là par les mutuelles,
Le mouvement mutualiste a par ailleurs su développer des réseaux d’opticiens et d’audioprothésistes (voir les réseaux du groupe Istya par exemple qui  s’adressent aux adhérents des mutuelles partenaires), ce qui a permis de faire baisser les prix des dispositifs médicaux en question. La Sécurité sociale pourrait reprendre à son compte ces réseaux et les développer sur tout le territoire.
Les salarié-es du mouvement mutualiste pourraient déjà compenser une partie des départs à la retraite des personnels des caisses d’assurance-maladie. Une autre partie pourrait être employée par la sécurité sociale dans le cadre de la reprise, le développement des centres de santé et des réseaux d’opticiens et d’audio-prothésistes.
Enfin, nous ne cessons de revendiquer le rétablissement des élections au conseil d’administration de la sécurité sociale. La mutualité aurait une légitimité à y représenter une partie des usagers. La question de la démocratie sanitaire doit être approfondie.

Tous ces éléments méritent d’être mis en débat au sein de notre fédération en vue de discussions à venir avec les acteurs du mouvement mutualiste.

1 Alors que la Sécu dépense 6,5 Mds € par an en frais de gestion pour rembourser 150 Mds € de soins (soit 4%), les complémentaires en dépensent presque autant (6 Mds €) pour couvrir 32 Mds € de dépenses maladie (soit 19 %, avec une forte variabilité selon les opérateurs).

2 Alors que ces dépassements représentent des sommes colossales : 2,8 Mds € chez les médecins, 4,8 Mds € chez les dentistes, 1 Md € chez les audioprothésistes et 5,9 Mds € en optique…

3 Les contrats labellisés doivent proposer trois niveaux de garanties pour les seniors. Le tarif de la cotisation est fixé en fonction de l’âge et du niveau de prestations choisi. Les organismes ayant obtenu le label pourront bénéficier d’un crédit d’impôt (d’un montant égal à 1% du montant de la taxe de solidarité additionnelle).

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