L’ABATTEMENT DE 10% SUR LES PENSIONS DE RETRAITE

« Les retraités doivent participer aux efforts d’économies, il est tout à fait anormal qu’ils bénéficient d’une déduction de 10 % pour frais professionnels alors qu’ils ne sont plus en activité.»

Ces affirmations sont véhiculées par les politiques, députés ou ministres, chaque fois que sont évoquées des économies budgétaires à réaliser. Il s’agit de contre-vérités absolues destinées à faire croire à l’opinion publique que les retraités bénéficient d’une réduction pour des frais qu’ils n’ont pas, et de justifier ainsi très facilement la suppression de ces 10%.

Une déduction de 10 % pour frais professionnels réservée aux actifs

L’article 83, 3° du CGI prévoit la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels réservée aux traitements et salaires.

L’extension de cette déduction aux retraités et pensionnés a été demandée à de multiples reprises et a été repoussée par le Conseil d’Etat dans des Arrêts de 1965 à 1977.

En effet, confirmant la doctrine administrative, le Conseil d’Etat a jugé que les retraités ou pensionnés ne sont pas autorisés à pratiquer la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels dès lors que les pensions ne constituent pas la rémunération d’un emploi ou d’une fonction et n’entrainent pas de dépenses professionnelles pour leurs bénéficiaires (CE 22 décembre 1965 n° 61405, CE 9 octobre 1974 n° 92352 et aussi CE 9 février 1977 n°1231).

Une déduction, au sens fiscal du terme, est une somme qui est retirée du revenu imposable, soit du revenu brut global, soit d’un revenu catégoriel (par exemple les frais professionnels sont déduits des traitements et salaires).

Un abattement spécifique de 10 % sur les pensions

L’article 158, 5-a, alinéas 2 et 3 du CGI prévoit un abattement de 10 % sur les pensions et rentes viagères, avec un minimum et un plafond. Cet abattement a été instauré dans l’article 3 – I de la loi de finances pour 1978 (loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977, JO du 31 décembre 1977 p.6316)

Il a été finalement accordé par le gouvernement Giscard, M. Raymond Barre étant Premier ministre et ministre des Finances, après d’âpres discussions, dans la séance du 18 octobre 1977, alors qu’un député a rappelé que le groupe communiste avait déposé des amendements en ce sens depuis 1968 !!! Cet abattement (plafonné à 5.000F en 1978) a été voté à l’unanimité par l’assemblée, sans doute grâce à la perspective des élections de mars 1978 gagnées par la majorité présidentielle d’alors, RPR et UDF, avec 50,46 % des voix.

Cet abattement de 10% est le résultat de choix politiques opérés en fonction du système fiscal qui est déclaratif et des capacités à frauder des uns et des autres. Destiné à alléger la charge fiscale des titulaires de pensions et retraites et rentes viagères, il n’est pas représentatif de frais professionnels.

Accordé et maintenu par souci d’équité, compte tenu du fait que seuls les retraités étaient pénalisés par les modifications successives apportées dans le cadre du calcul de l’impôt, (dont les grands bénéficiaires étaient les contribuables autres que les retraités et les salariés), cet abattement est la contrepartie du fait que les revenus des retraités avaient été et continuaient d’être déclarés par des tiers sans participation à la fraude fiscale.

L’abattement spécifique de 10% ne peut pas excéder un plafond, fixé initialement à 5.000 F par la loi 77-1467 du 30 décembre 1977. Ce montant fait l’objet de révision annuelle. Il est indexé sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Cet abattement s’applique par foyer fiscal (loi 83-1179 du 29 décembre 1983) pour l’imposition des revenus perçus depuis 1983. (Pour l’imposition des revenus de la période allant de 1979 à1982, le plafond de l’abattement de 10 % s’appliquait à chaque membre du foyer fiscal).

Le minimum et le plafond de cet abattement, qui s’applique au montant brut des pensions et rentes viagères du foyer fiscal, s’élevaient respectivement, pour l’imposition des revenus des années :

2021 à 400 € et 3912 €

2022 à 422 € et 4123 €

2023 à 442 € et 4321 €

Il faut préciser que ces 10% représentent un abattement plafonné et non pas une déduction forfaitaire pour frais, ce qui n’est donc pas une niche fiscale stricto sensu. Et surtout ils ne correspondent pas à des frais professionnels, ce qui effectivement constituerait une aberration.

L’abattement fiscal est une réduction légale de la base d’imposition, c’est-à-dire de l’ensemble des revenus retenus pour calculer le montant de l’impôt. Il peut être fixe ou proportionnel. L’abattement visé à l’article 158, 5-a, al. 2 et 3, est proportionnel (10%).

L’abattement et la déduction ne sont pas de même nature, d’un point de vue fiscal.

Cependant cet abattement est souvent considéré comme une niche fiscale que, lors de l’élaboration annuelle du Projet de loi de Finances, certains députés tentent de remettre régulièrement en cause … afin de proposer des économies budgétaires sur les retraités … !

A noter que :

Jusqu’à l’imposition des revenus de 2005, un autre abattement de 20 % s’appliquait, aussi bien aux traitements et salaires qu’aux pensions et rentes viagères à titre gratuit, pour déterminer le revenu imposable.

Depuis l’imposition des revenus de 2006, l’abattement est supprimé, en tant que tel, du fait de son intégration dans le barème de l’impôt sur le revenu par le 3° de l’article 76 de la loi 2005-17819 du 30 décembre 2005.

Cet abattement peut se cumuler, le cas échéant, avec les abattements visés à l’article 157 bis du CGI concernant les personnes âgées ou invalides de situation modeste

Sources :

JO n° 86 (suite) Assemblée Nationale Année 1977-1978 Mercredi 19 Octobre 1977

JO de la République Française n° 303 109° année Samedi 31 Décembre 1977

Marie-Françoise Grialou

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