La Contribution sociale généralisée (CSG)
L’alignement du taux de CSG des retraités les plus aisés (8,3 %) sur celui des actifs (9,2 %) fait partie des diverses propositions de Laurent Vachey1 pour apporter des ressources supplémentaires au financement de la perte d’autonomie quand la future loi sera élaborée. Cette proposition entre parfaitement dans le cadre de la campagne de dénigrement systématique des retraités, présentés comme des privilégiés dès lors qu’ils touchent une pension au moins égale à 2 000€ par mois. D’ailleurs les pouvoirs publics ont récemment martelé l’idée que, contrairement aux actifs, les retraités n’avaient pas perdu de leur pouvoir d’achat pendant la crise liée à la COVID, et qu’ils pouvaient donc être mis davantage à contribution !
1) Un peu d’histoire
Créée en 1991, la CSG devait initialement contribuer au financement de la branche famille, avec un taux fixé à 1,1 %, en compensation d’une baisse de la cotisation famille employeur. Pour que ce soit une opération blanche pour les ménages qui allaient payer cette CSG, le gouvernement décida que la cotisation employeur vieillesse augmenterait en échange d’une baisse de la cotisation salariale vieillesse. Aucune compensation pour les retraités. Les taux de la CSG ont ensuite augmenté de façon constante à partir de 1993 sous les gouvernements successifs de droite comme de gauche. Sur les revenus d’activité, le taux est ainsi passé de 1,1 % à 2,4 % en 1993 dans le cadre de la création du fonds de solidarité vieillesse2. Puis à 3,4 % en 1996 et à 7,5 % en 1998, une partie de la CSG étant dédiée à la branche maladie en lien avec la CMU (couverture maladie universelle) instituée en 1999.
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le taux de CSG a enfin augmenté de 1,7 point au 1er janvier 2018, en remplacement des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, pour atteindre 9,2 % sur les revenus d’activité et assimilés, en échange d’une baisse plus importante de cotisations sociales pour les salariés, la mesure étant présentée comme garantissant un gain de pouvoir d’achat aux actifs. Les retraités qui étaient assujettis au taux de 6,6 % sont ainsi passés à 8,3 % sans bénéficier d’aucune contrepartie et ils ont subi une baisse importante de leur pouvoir d’achat.
Face au mouvement des Gilets jaunes, l’exécutif a toutefois annoncé le 10 décembre 2018 des mesures d’urgence économiques et sociales parmi lesquelles figurait l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2 000 € mois, ce qui revenait à créer un nouveau taux dérogatoire de 6,6 % pour une partie des retraités3, à côté du taux réduit de 3,8 % pour les retraités très modestes et du taux 0 % pour les plus pauvres, totalement exonérés de CSG.
Cela revenait aussi à accréditer l’idée qu’un retraité était « riche » à partir de 2 000 € de pension par mois et pouvait accepter, à ce titre, que son pouvoir d’achat soit amputé de plusieurs centaines d’euros par an.
La suppression de la taxe d’habitation censée compenser cette augmentation de 25 % du taux de CSG était un leurre à double titre : d’une part elle va de fait entraîner une diminution drastique des budgets des collectivités locales, ce qui aura une répercussion sur les prestations sociales versées aux retraités ou les services publics mis à leur disposition. D’autre part, la suppression de la taxe d’habitation concerne également les actifs et s’ajoute donc à la baisse de leurs cotisations sociales salariales.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’avant le mouvement des Gilets jaunes, le gouvernement considérait qu’un retraité était aisé à partir de 1 289€ par mois et qu’il pouvait bien, à ce titre, accepter de voir baisser sa pension nette mensuelle !
2) Des retraités déjà fortement pénalisés
Les retraités paient une CSG qui est prélevée sur le montant brut de leurs pensions de retraite alors qu’ils ne payaient pas de cotisations sociales salariales avant l’institution de la CSG.
Le taux de CSG appliqué varie en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) et du nombre de part de quotient familial. Comme on l’a vu plus haut, il y a 4 taux différents pour les retraités : taux normal 8,3 % ; taux médian de 6,6 % ; taux réduit de 3,8% ; taux 0 % (exonération totale).
Les retraités qui sont soumis au taux de CSG de 6,6 % ou de 8,3 % doivent également acquitter la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) de 0,3 %.
L’augmentation de 1,7 point, en 2018, du taux de CSG des actifs a été imposée en remplacement du petit reliquat de cotisations salariales en matière d’assurance maladie et de 2,4 % de cotisations salariales en matière d’assurance chômage. La mesure ayant été étendue à une partie des retraités (ceux que l’État considère comme « riches »), on peut donc en déduire que, pour la première fois dans l’histoire de la protection sociale, on demande aujourd’hui à une partie des retraités de participer au financement de l’assurance chômage !
Il s’agit là d’une grave entorse à un principe ancien qui consistait à ne pas faire cotiser les retraités pour des risques sociaux qui ne les concernent pas ou plus en tant que retraités. Étant par définition sortis de l’emploi, les retraités n’avaient jamais, jusqu’ici, eu à cotiser pour l’assurance chômage qui ne concernait que les actifs du privé. Qu’ils cotisent à travers la CSG pour l’assurance maladie peut se comprendre dans la mesure où leurs besoins de santé sont couverts par la branche maladie et qu’ils vivent de plus en plus longtemps.
Mais rien ne justifie qu’ils cotisent pour l’assurance chômage ni même qu’ils cotisent un jour pour l’assurance vieillesse (après avoir cotisé pendant toute leur carrière).
C’est là l’un des nombreux effets délétères de la bascule des cotisations sociales vers la CSG car on ne sait plus ce que finance le prélèvement opéré et on peut demander aux retraités de contribuer à tous les risques sociaux.
C’est le statut de salarié retiré de l’emploi après avoir travaillé pendant toute sa vie professionnelle qui expliquait que les pouvoirs publics n’aient jamais osé appliquer aux retraités le même taux de CSG que celui des actifs.
Aligner le taux de CSG des retraités sur celui des actifs au prétexte que cela permettrait de dégager des recettes supplémentaires pour la prise en charge de l’autonomie revient à nier le statut même des retraités alors que ce sont des salariés qui ont déjà cotisé toute leur vie professionnelle contre les aléas de la vie et qu’ils étaient exemptés de cotisations sociales avant l’instauration de la CSG.
Les retraités continuent de contribuer au financement de l’assurance maladie à travers la CSG. Mais rien ne justifie qu’ils soient assujettis au même taux que les actifs alors que certains « risques » sociaux ne les concernent plus. Oui mais le principe de solidarité ? L’argument précédent ne suffit-il pas ?
Quant au financement de la perte d’autonomie, il ne peut passer que par une cotisation sociale assise sur tous les revenus, d’activité comme de remplacement, mais aussi sur les revenus financiers et du patrimoine.
Petit rappel juridique Au sens du droit français, la CSG n’est pas une cotisation sociale car son paiement n’ouvre droit ni à affiliation aux régimes sociaux ni à prestations sociales. Elle n’est donc pas « contributive » (contrairement, par exemple, à la cotisation retraite qui ouvre des droits à pension). C’est pourquoi le conseil constitutionnel la considère comme un impôt. Mais la CSG n’est pas non plus un impôt au sens strict du terme dans la mesure où son produit est affecté à une dépense spécifiée à l’avance, contrairement à la règle de non affectation des recettes fiscales. La CSG est en fait une « imposition de toutes natures » qui entre dans la catégorie des ITAF (impôts et taxes affectés) ou, pour le dire autrement, un prélèvement obligatoire spécifique explicitement affecté au financement de la protection sociale. Mais pour la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), la CSG est une cotisation sociale car elle est affectée au seul financement de la Sécurité sociale. Saisie par des travailleurs frontaliers alsaciens, la CJUE a jugé qu’ils ne devaient pas payer de CSG. Ils résident et paient leurs impôts en France mais ils travaillent en Allemagne et cotisent au régime de Sécurité sociale allemand. La CJUE a donc estimé qu’ils cotiseraient une fois de trop s’ils payaient une CSG en France. |
1Laurent Vachey, inspecteur général des finances et ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
2 Le FSV permet notamment de financer les majorations de pension de retraite pour les parents de familles nombreuses.
3 3,7 millions de foyers ont ainsi vu leur taux de CSG revenir au taux antérieur de 6,6 % au lieu de 8,3 %, soit la moitié des retraités concernés par la hausse intervenue en 2018. Au total, ce sont près de 70 % des retraités qui ne sont pas assujettis au taux « normal » de CSG.
La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.
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