La Dette

La dette publique est mise au cœur du débat public par les libéraux ,le ministre des finances et la cour des comptes qui tentent de l’agiter comme un chiffon rouge pour faire peur et justifier les politiques d’austérité. Selon eux, le poids de la dette publique la rendrait risquée et insoutenable. C’est sur ces bases que le gouvernement prépare un budget 2024 mettant en avant «assises des finances publiques»suivies par une revue des dépenses publiques»puis par la campagne démagogique intitulée«en avoir pour ses impôts»et pour finir la traditionnelle chasse aux «fraudeurs».

Entrons donc dans «detteland»et son univers impitoyable!

De quelle dette parle t’on?

Fin 2022 la dette publique nette des administrations publiques(APU) s’élevait à 2670,9 milliards d’euros se décomposant comme suit(en milliards d’€)

État:2202

Organismes de l’administration centrale:43,5

Administrations publiques locales:230,4

Sécurité sociale:194,9(y compris la dette COVID de 136 Mds transférés de l’état à la sécurité sociale!)

Dette sur PIB, un ratio sacralisé sans fondement

Le ratio dette/PIB est constamment mis en avant, d’autant plus qu’avec la crise du Covid il est passé de 98% avant la pandémie à 111,6% en 2022 .Pourtant, cet indicateur repris sans cesse dans les médias est discutable à plusieurs égards.La dette publique est un stock accumulé depuis 1975 au contraire du PIB (produit intérieur brut 2643 milliards d’€ en 2022) qui est un flux annuel. En effet, le PIB est la somme des valeurs ajoutées produites sur un territoire et pour un an . De ce point de vue, il est donc discutable de comparer un stock à un flux. Cela revient à comparer les revenus d’un ménage à son endettement total : de toute évidence ce n’est pas comme cela que les banques étudient la capacité de remboursement d’un ménage, puisqu’elles comparent les revenus du ménage à la mensualité du prêt que le ménage devra assumer

D’autres indicateurs plus pertinents

Le ratio charge de la dette publique/recettes publiques:moins de 3,5% des dépenses publiques sont consacrées au paiement des intérêts de la dette.

Le ratio entre charge de la dette et le PIB qui est de 1,8% en 2022 et pourrait atteindre 2% en 2030

L’État est un agent économique très particulier.

Tout d’abord, il n’a pas d’horizon temporel fini, il pourra donc toujours emprunter pour se refinancer. Deuxièmement, contrairement aux ménages, l’État est en capacité de décider, au moins en partie, du niveau de ses revenus, et donc de sa capacité de remboursement, via les règles fiscales qu’il met en place.

Origine de la dette

On distingue plusieurs causes à la hausse de la dette publique : les cadeaux fiscaux depuis 1980 (CICE, ISF, niches fiscales,crédit impôt recherche ) qui profitent d’abord aux actionnaires des grands groupes et aux plus riches ; et l’évasion fiscale type Panama ou Pandera papers qui prive les finances publiques de près de 100 milliards d’euros par an.

Qui possède la dette française?

20% sont détenus par des compagnies d’assurance pour les placer en assurance-vie

25% sont détenus par la BCE

54%par des investisseurs étrangers tels que BlackRock

Pas de panique, la France n’est pas en faillite!

Les administrations publiques ont certes des dettes, mais aussi un patrimoine

L’État ainsi que les autres administrations publiques (collectivités territoriales et administrations de Sécurité sociale) ont un patrimoine considérable, évalué à 4324 milliards d’euros en 2022.

Ce patrimoine se matérialise par des bâtiments du foncier , des actions d’entreprises ou encore des droits de propriété intellectuelle . Ce sont les écoles,hôpitaux,routes ,réseaux,centres de recherche et culturels …Cette liste n’est évidemment pas exhaustive mais permet de mieux saisir l’ampleur et la forme que prend le patrimoine des administrations publiques bien moins mis en avant que ses dettes.

Au total, si on compare ce que les administrations publiques possèdent par rapport à ce qu’elles doivent, le solde est largement positif, de 1421milliards d’euros pour 2022 soit plus de 20 000€ par français y compris les nouveaux nés!

La dette ,un fardeau pour les générations futures ?

La dette a une maturité, autrement dit une durée de vie moyenne, d’un peu plus de huit ans. Si ça devait être un fardeau, ça le serait donc pour les générations actuelles. Cependant la dette n’est jamais remboursée en tant que telle. Les échéances d’emprunt sont bien honorées et les prêteurs sont remboursés, mais pour cela l’État réemprunte. On dit qu’il fait rouler sa dette.

Les générations futures n’auront pas plus à rembourser la dette que nous aurons à le faire dans les années à venir. De plus, il n’y a pas que les dettes qui seraient transmises aux générations futures, les titres de créance le seraient également. Ceux qui toucheront les remboursements de la dette publique appartiennent aussi aux générations futures.

Un conflit de classe plutôt qu’un conflit générationnel

Il ne s’agit donc en aucun cas d’un conflit générationnel mais bien plus d’un conflit entre les possédants qui touchent des intérêts sur la dette publique et le reste de la population qui subit les coupes dans les dépenses publiques pour rembourser cette dette si on se place dans le cadre d’une politique austéritaire.

Dette et inflation

Si on considère l’indicateur dette/PIBl’inflation accroît mécaniquement le PIB donc le ratio diminue.Les recettes augmentent donc l’inflation a tendance à améliorer l’équilibre budgétaire .

Mais à contrario la hausse des taux d’intérêts sur les nouveaux emprunts se traduit par un accroissement de la dette publique .

Au total la dette française doit et peut rester soutenable dans les années à venir .

Dette publique /dette privée

En France la dette privée est supérieure à la dette publique!

Il n’existe pas de pays dits vertueux!

Comme le montre le graphique ci-dessous qui correspond aux données de 2019, les Pays-Bas, modèle de pays dits vertueux, avaient un endettement public très faible mais un endettement privé très fort, notamment l’endettement des ménages qui correspondait à plus de 100% de PIB contre 61,7% en France. À l’inverse, les Grecs et les Italiens, souvent pointés du doigt à cause de leur dette publique importante, sont en réalité moins endettés que les Néerlandais et pas plus que les Norvégiens.

Graphique fiche 12-2 dette

Source : Banque des règlements internationaux

L’endettement jouant un rôle très important dans le financement et la stimulation de l’économie, les pays avec un faible endettement public compensent donc par un endettement privé plus important.

Les propositions syndicales

Des politiques alternatives;peut-on alléger l’impact de la dette sans recourir à l’austérité ?

La dette publique n’est pas le mal absolu que d’aucuns décrivent. Elle est même très utile, voire indispensable, si elle permet de financer des investissements répondant à des besoins d’intérêt général et non pas les cadeaux fiscaux faits à une minorité. Un moyen simple d’alléger le coût de la dette serait de supprimer la rémunération des sommes ainsi collectées, c’est-à-dire de remplacer l’emprunt par l’impôt en mettant à contribution les grandes entreprises et les plus riches . C’est pourquoi la FSU avec la CGT et Solidaire Finance propose une réforme fiscale ambitieuse qui privilégie les impôts directs (sur le revenu, le patrimoine, les bénéfices des sociétés) aux impôts indirects (TVA…) et en renforce la progressivité.

Cela devrait bien sûr aller de pair avec une lutte réelle contre l’évasion fiscale.

On devrait enfin annuler tout ou partie de la dette considérée comme illégitime.

La BCE pourrait annuler la dette des états européens quelle détient à 25% et ainsi refinancer à taux nul certains investissements d’intérêt général comme ceux qu’implique la transition énergétique par exemple . Les banques doivent également être obligées de détenir un quota de titres de la dette publique, contrepartie légitime de leur pouvoir de création monétaire. Cela suppose bien sûr qu’un réel contrôle social s’exerce sur la BCE et sur les banques qui permette de vérifier l’utilité des financements ainsi accordés pour la collectivité. Le pôle financier public à créer pourrait notamment y contribuer.

Jean-Bernard et Daniel.

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La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

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