Loi de financement de la Sécurité sociale

Le budget de la sécurité sociale pour 2021 s’inscrit dans un contexte particulier. Ainsi prévoit-il en plus des dépenses liées à la pandémie de Covid 19. Il a été voté le 30 novembre 2020 et la loi a été promulguée le 14 décembre 2020.

Le déficit de la sécurité sociale (régime général – famille, maladie, vieillesse et accidents du travail – et du fonds de solidarité vieillesse) est évalué à 49 milliards d’euros en 2020 (contre les 5,4 milliards initialement prévus) et devrait atteindre 35,8 milliards d’euros en 2021. Il pourrait encore s’élever à 21,6 milliards en 2024.

Les points principaux :

Répondre à la crise sanitaire

La LFSS prend en compte les dépenses exceptionnelles effectuées par l’assurance maladie en 2020 et anticipe celles de 2021. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) 2020 est porté à 218,9 milliards d’euros, un niveau sans précédent pour faire face au surcroît de l’épidémie.

Une provision de 1,5 milliard est prévue pour le vaccin.

D’autres crédits sont, par ailleurs, inscrits pour financer :

  • la prolongation du dispositif d’indemnité en cas d’activité partielle ;
  • le dispositif d’exonérations sociales et d’aides au paiement instauré par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 pour soutenir les entreprises fermées administrativement ou particulièrement impactées par le couvre-feu et le confinement. Lors de la discussion parlementaire, ce dispositif a été renforcé. Si besoin, il pourra être prolongé début 2021 par décret. Le montant total des exonérations sociales atteint 8,2 milliards.

Pour faire face à ces dépenses « record », une contribution exceptionnelle à la charge des mutuelles et des assurances privées est instituée. Cette « taxe Covid » doit rapporter 1 milliard d’euros en 2020 et 500 millions d’euros en 2021. Pour les salariés et les retraités, cela va se traduire par des augmentations de cotisations particulièrement lourdes pour les retraités dont les cotisations sont plus élevées que celles des actifs.

Financer les engagements du Ségur de la santé

Le PLFSS prévoit une revalorisation des salaires des personnels hospitaliers et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), conformément aux accords du Ségur de la santé signés en juillet 2020. Les syndicats et les personnels ont souligné l’insuffisance de ces mesures notamment en termes de création de postes.

Et 13 milliards d’euros permettront de refinancer un tiers de la dette hospitalière.

La réforme du financement des urgences, introduite en 2020, est complétée. Un Forfait patient urgences (FPU) de 18 euros est instauré à partir du 1er septembre 2021.

Ce nouveau forfait, qui sera pris en charge par les complémentaires santé, sera dû par les assurés pour chaque passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation. Les patients en affection de longue durée (ALD) et les invalides de guerre bénéficieront d’un forfait réduit de 8 euros. Des amendements ont exonéré les femmes enceintes à partir du 6e mois et les nourrissons de moins d’un mois. Il doit remplacer le ticket modérateur actuellement pratiqué (de 19 euros en moyenne à l’hôpital public). Aujourd’hui pour tout passage aux urgences l’assurance maladie prend en charge 80 % des soins, les 20 % sont à la charge des assurés sociaux et de leur complémentaire santé).

C’est une mesure particulièrement scandaleuse : de nombreux soins réalisés aux urgences ne nécessitent pas d’hospitalisation, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas urgents et sérieux. Ce recours aux urgences témoigne et compense en premier lieu la déficience de la permanence des soins. Le fait de faire payer les soins aux urgences risque d’encore aggraver la renonciation à des soins indispensables notamment des assurés les plus fragiles.

Des moyens supplémentaires ont été votés pour les maisons de naissance qui passeraient de 8 à 20 en deux ans.

Organiser la 5e branche dédiée à l’autonomie

Le PLFSS contient les premières mesures pour organiser le fonctionnement de la 5e branche de sécurité sociale consacrée à l’autonomie, créée par la loi organique relative à la dette sociale et à l’autonomie du 7 août 2020.

La branche sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont elle reprend l’ensemble des dépenses auxquelles va s’ajouter l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Pour 2021, cette branche sera financée à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Aucun financement nouveau n’est dégagé. On opère simplement un transfert de ressources provenant pour l’essentiel de la branche maladie (et famille). D’autre part, le fait que ce financement repose à 90 % sur la CSG confirme la logique d’étatisation de cette 5e branche, dont la « gouvernance » ne repose en rien sur la démocratie sociale qui fonde la gestion de la Sécurité sociale. Surtout, cette 5e branche consiste à séparer ce qui relève de la santé et ce qui relève du handicap.

150 millions d’euros en 2021 et 200 millions en 2022 vont être débloqués pour renforcer l’attractivité des métiers de l’aide à domicile. Ces enveloppes seront versées aux départements. Un autre amendement gouvernemental permet la mise en place d’une aide à la vie partagée (AVP). Il s’agit d’accélérer le développement de l’habitat inclusif, formule alternative à l’hébergement en EHPAD.

L’allongement du congé de paternité et du congé d’adoption

Le congé paternité sera allongé à 28 jours, dont 7 seront obligatoires, dès le 1er juillet 2021.

En outre, le congé pour adoption est porté de 10 à 16 semaines jours pour les familles n’ayant pas d’enfant ou un seul enfant à charge. Le versement de la prime de naissance est avancé dès le 7e mois de grossesse (au lieu actuellement de deux mois après la naissance).

Les autres mesures

S’agissant de la branche famille ; la faible augmentation des dépenses programmées à venir laisse augurer une aggravation de la politique d’austérité afin de financer les nouvelles mesures prévues et l’augmentation des prestations pour les allocataires plus nombreux et plus démunis à cause de la crise sanitaire.

En 2021, la revalorisation de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) est poursuivie. L’allocation, qui sera désormais à la charge de la branche maladie passera à 800 euros par mois (contre 750 euros par mois actuellement).

Pendant trois ans, à titre expérimental, les sages-femmes pourront pratiquer des IVG chirurgicales. La pratique du tiers-payant intégral pour les actes liés à une IVG est rendue obligatoire.

Est généralisé le tiers-payant intégral sur les équipements et soins du panier 100 % Santé (reste à charge zéro pour l’optique, l’audiologie et le dentaire) en le rendant obligatoire pour les complémentaires santé à compter du 1er janvier 2022.

Plusieurs mesures visant à lutter contre la fraude fiscale sont votées : possible annulation automatique des numéros de sécurité sociale ou dé-conventionnement d’office des professionnels de santé qui récidivent en matière de fraude.

Remarques

Face à la crise sanitaire, la loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans la continuité des politiques menées depuis de nombreuses années ; politiques qui ont conduit à la catastrophe sanitaire que nous connaissons.

Comme l’écrivait le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie dans un rapport et un avis adoptés en juin dernier : « La crise sanitaire actuelle a montré les limites des dispositifs d’anticipation des situations exceptionnelles en France […]. Il paraît certes difficile de prévoir tous les scénarios catastrophe, mais le scénario dans lequel nous sommes était, lui, prévisible et d’ailleurs prévu ».

Cette loi s’inscrit dans une politique libérale où le système de Sécurité sociale n’a plus pour objectif de répondre aux besoins de tous mais pose les fondations d’un système, qui octroie un minimum pour les plus précaires et qui pousse la grande majorité vers le privé plus cher et moins efficace comme nous le prouvent les exemples étrangers.

La loi prévoit ainsi de réaliser 4 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé.

Ces mesures d’austérité sont formulées exactement dans les mêmes termes que dans toutes les LFSS précédentes depuis de nombreuses années.

Quant aux mesures concernant le médicament, aucune régulation du marché n’est prévue et l’industrie pharmaceutique peut continuer à engendrer des profits monstres financés par la Sécurité sociale, à l’instar de Sanofi qui a distribué 4 milliards d’euros de dividendes en 2020.

Le système de santé et plus particulièrement l’hôpital, n’a pas la capacité d’assurer pleinement ses missions par manque de moyens. En effet, le manque de personnels et par conséquent de lits ouverts ne permet pas d’assurer à la fois la prise en charge des patients habituels et ceux atteints par le Coronavirus.

Le Ségur de la santé, qui occupe une part importante de la loi, n’a répondu ni aux attentes des salariés, ni aux besoins de la population en termes de réponse aux besoins.

La première revendication des salariés qui était l’embauche massive des personnels ne trouve aucune réponse dans ce LFSS.

Au contraire, 3 400 lits ont été fermés en 2019, et les fermetures se poursuivent dans de nombreux hôpitaux malgré la crise !

La loi confirme la reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale d’un tiers de la dette des hôpitaux actée par la loi du 7 août 2020, ce qui aboutit à transférer à la Sécurité sociale une dette de 136 milliards d’euros, dont le remboursement sera financé par les assurés sociaux à travers la CRDS, alors qu’il s’agit d’une dette de l’État. De fait, ce sont les salarié·es et les retraité·es qui paieront. Les entreprises sont exonérées de toute contribution et vont bénéficier de milliards de réduction d’impôts.

Le droit à l’autonomie doit être pris en charge au titre de la maladie dans le cadre de la Sécurité sociale avec un financement par la cotisation sociale.

Aucun bilan n’est tiré sur l’impact des 80 à 90 milliards d’euros d’exonérations et exemptions de cotisation sociale, et en particulier de la transformation du CICE en baisses de cotisations patronales, alors qu’un rapport officiel vient de pointer le faible effet du CICE en termes de créations d’emplois.

Au moment où le gouvernement confirme sa politique de cadeaux aux entreprises au nom du dogme de l’économie de l’offre, l’accent est mis par le gouvernement sur la nécessité « de rétablir la soutenabilité financière de la Sécurité sociale », en limitant la hausse des dépenses !

Silence total sur les pensions, le dossier retraite (les amendements du Sénat sur le report de l’âge de départ en retraite ont été rejetés). Mais les menaces sur une réforme systémique et paramétrique sont bien réelles. Bien des discours l’attestent.

De même, les propositions de mesures régressives contre pensions et retraites sont récurrentes avec l’argument sans cesse avancé : les retraités s’en sortent mieux que le reste de la population : il est juste de les faire payer : « La baisse des pensions serait une mesure de salubrité publique. » (Jacques Bichot, économiste, article Rédaction, publié le 24/11/2020.

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