La fixation du prix d’un médicament est le fruit de négociations entre un organisme placé sous l’autorité des ministères et l’industriel qui le met sur le marché. Une négociation biaisée de multiples façons, au détriment de la Sécurité sociale.

C’est au sein du comité économique des produits de santé (CEPS) que les discussions ont lieu. Le CEPS est un organisme placé sous l’autorité des ministères de la Santé, de la Sécurité sociale et de l’Économie. Il est chargé par la loi de fixer les prix des médicaments pris en charge par l’assurance maladie obligatoire. Son rôle est de négocier avec l’industriel le prix de la spécialité remboursable aux assurés sociaux que ce dernier souhaite commercialiser. Concrètement, c’est sur la base des informations fournies par l’industriel lui-même au stade de l’autorisation de mise sur le marché et sur l’avis des experts de la commission de transparence que les discussions se font. Chacun aura compris que, déjà à ce stade, il y a un problème, puisque c’est sur la base de données fournies par l’industriel lui-même et d’expertises réalisées par des experts le plus souvent eux-mêmes salariés ou en lien avec l’industrie pharmaceutique que la négociation se fait. Il y a par conséquent un véritable déséquilibre en faveur des laboratoires – sans parler de leur lobbying reconnu comme l’un des plus puissants de l’industrie sur les services publics – qui ne peut que confirmer les doutes sur la justesse des prix concédés, doutes par ailleurs décuplés au regard des résultats financiers de ces labos.

Les prix sont aussi négociés sur la base d’autres éléments plus ou moins factuels mais toujours fournis par les laboratoires :

• prise en compte des prévisions de vente médicalement justifiées : lorsqu’un prix est accompagné d’une clause volume/prix, celui-ci est fixé en fonction des volumes de ventes prévisionnels. Si ces derniers sont dépassés, le prix négocié est baissé. De ce fait, nombre de laboratoires se mettent volontairement en rupture de stock lorsque les volumes prévisionnels sont atteints, dans le but de garder le prix le plus haut et maintenir la marge la plus importante possible.

• prise en compte des actions de promotion au regard des stratégies thérapeutiques : pas à proprement parler du coût de la publicité – mot tabou dans l’industrie pharmaceutique – mais des coûts d’information et/ou formation des professionnels de santé sur les médicaments.

• prise en compte des économies engendrées par la spécialité dans la pathologie; c’est devenu l’une des revendications les plus fortes des laboratoires. Le prétexte invoqué est que, si un médicament guérit, cela représente de fait des économies réalisées pour la Sécurité sociale. Une quotte part de ces économies devrait par conséquent être introduite dans le prix du médicament concédé au laboratoire. En d’autres termes, la guérison d’un patient par une nouvelle médication ayant évité un traitement à vie, un suivi médical, une ou plusieurs hospitalisations et même la prolongation de la vie des patients… devrait bénéficier au laboratoire en contrepartie de l’argent économisé par la Sécurité sociale!!

Prix du médicament, ce que nous dénonçons

L’industrie du médicament justifie son exigence de prix élevés par des coûts importants – les coûts de recherche et développement, d’industrialisation, les coûts de « promotions », les coûts salariaux, les investissements lourds… C’était peut-être vrai à une époque, mais ce n’est certainement plus le cas depuis longtemps. La recherche fondamentale publique produit aujourd’hui les principales bases des innovations. A titre d’exemple la découverte du vaccin contre la Covid s’appuie sur la découverte de l’ARN messager et le séquençage du virus réalisé par l’institut Pasteur et mis à disposition de la communauté scientifique.Cependant c’est le laboratoire Pfizer qui engrange les revenus de la vente du vaccin anti Covid qui s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros cette année .

On peut noter que l’industrie pharmaceutique dispose d’un avenir prometteur et de taux de marges substantiels… malgré de nombreux licenciements! La palme revient au laboratoire Gilead grâce essentiellement à son médicament Sovaldi. Véritable avancée thérapeutique dans le traitement de l’hépatite C, pour un coût de fabrication de 200 euros, le prix imposé par le laboratoire est réellement scandaleux. Pour la France, le laboratoire avait une exigence d’un prix de 91 000 euros. Après négociation le prix concédé est tout de même de 46 000 euros pour un traitement de 8 semaines, soit une marge de 25 000 euros pour le laboratoire. C’est actuellement l’exemple le plus flagrant des problèmes que nous avons sur le juste prix du médicament. À titre indicatif, le coût en Inde du Sovaldi pour un même traitement est de 2 000 euros, et de quelques centaines d’euros en Égypte; preuve que les exigences de prix des laboratoires sont en fonction des systèmes de protections sociales des différents pays et de leur capacité à payer.

Autre exemple:À 1 995 000 euros l’injection, le Zolgensma bat tous les records. Ce traitement contre l’amyotrophie spinale infantile est commercialisé par la firme suisse Novartis et les royalties liées à ses brevets enrichissent le fonds d’investissement américain Sixth Street.

Une réponse: le pôle public du médicament

L’équilibre budgétaire de la Sécurité sociale doit prédominer sur tout le reste; la réduction des coûts liés au médicament est justifiée et doit se poursuivre, non par une baisse des taux de remboursement qui impacterait forcément les patients, mais bien par l’obtention d’un juste prix du médicament et par un véritable nettoyage de la pharmacopée; pourquoi rembourser à 15% ou 35% des médicaments dont l’utilité n’est pas avérée? Autant les retirer du marché !

Le rapatriement des molécules de bases fabriqués en Asie doit s’accélérer et s’accompagner de la création d’un pôle public du médicament qui permettrait la mise à disposition des patients des médicaments nécessaires et au juste prix pour la sécurité sociale.

Jean-Bernard Shaki

Bienvenue sur le blog des retraités du SNES-FSU.

La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

Contact enretraite@snes.edu