Bernard Colou
5 rue d’Evreux
44800 Saint Herblain
bernard.colou@free.fr

à

Monsieur Thierry Beaudet
Président de la MGEN
Président de la FNMF
N° MGEN 0100296259

Réf : votre lettre du 15 février 2017

Monsieur le Président,

Merci d’avoir consacré un peu de votre temps pour répondre à mon courrier. L’essentiel pour moi est que vous ne contestez pas la plupart de mes affirmations.

En revanche vous avez raison de noter avec netteté quelques points de désaccords entre nous : coût des complémentaires, partage entre Sécurité Sociale et complémentaires, rôle des sociétés d’assurance. Votre lettre m’a donc obligé à approfondir ma réflexion et à être plus précis.

Dans l’entretien aux ‘Echos’ du 18 janvier 2017, il est singulièrement étonnant de conclure sur l’affirmation que les complémentaires-santé privées pourraient se substituer à l’assurance maladie en ‘optique, dentaire ou audioprothèse‘ , c’est à dire d’avoir ‘la possibilité pour les complémentaires de rembourser la part encore prise en charge par l’assurance-maladie obligatoire sur ces soins.’ ce qui va bien au-delà d’une ‘complémentarité avec la Sécurité Sociale.’ Actuellement en optique, dentaire et audioprothèse la part prise en charge par les complémentaires est respectivement de 70, 40 et 30% ; vous souhaitez donc que les assurés soient contraints de souscrire des contrats couvrant la quasi totalité des coûts ? Les fonctionnaires dont les contrats ne sont pas aidés verraient leurs cotisations s’envoler. Faut-il rappeler que toutes les associations et syndicats demandent au contraire une meilleure couverture par la Sécurité Sociale (dont le financement est majoritairement assuré par les employeurs privés ou publics). Aurez-vous la même démarche pour le transfert des autres remboursements de la Sécurité Sociale vers les complémentaires ?

Dans « Le Monde » du 23 février 2017, le Président de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA) a bien compris la situation. Sous prétexte de soulager les comptes de la Sécurité Sociale, il offre les services des complémentaires-santé : « Les complémentaires-santé ont le savoir-faire pour réaliser cet objectif de réduction massive des restes à charge.».Très coûteuse « réduction massive des restes à charge » puisqu’il faudra augmenter les primes d’assurance.

Je vous suis reconnaissant d’avoir précisé, dans le même article du « Monde »,que dans cette hypothèse « Nous serons contraints d’appeler plus de cotisations. »

Les Sociétés d’Assurance ont un taux de progression impressionnant, ce sont elles qui profitent le plus des désengagements de la Sécurité Sociale ou de l’extension des contrats collectifs à toutes les entreprises à partir de janvier 2016. En l’état, elles ne risquent pas d’être exclues du marché de la santé, en revanche je ne pense pas qu’il soit bon qu’elles se mêlent de la gouvernance du système public de santé au travers de sa participation à l’UNOCAM (Union Nationale des Organismes complémentaires de l’Assurance Maladie). Les sociétés d’assurance sont dans un camp qui n’est pas celui des entreprises à but non lucratif (mutuelles et institutions de prévoyance). Pour moi ce n’est pas à la FNMF (Fédération Nationale de la Mutualité Française dont vous assurez la présidence) de défendre indistinctement les complémentaires-santé, assurances privées inclues. Ce n’est pas le rôle du représentant des mutuelles. Le Président de l’UNOCAM (M. Maurice Ronat de la mutuelle Éovi) qui a été élu, notamment, par les représentants des sociétés d’assurance, a un rôle ambigu.

Pour moi, il est incontestable que complémentaires-santé, contrats collectifs d’entreprises, franchises, dépassements d’honoraires accentuent les inégalités.

Dans les entreprises privées la prise en charge des cotisations de contrats collectifs est de 60% en moyenne. En revanche, chômeurs, précaires, étudiants, 5,4 millions de fonctionnaires et 16 millions de retraités ne reçoivent aucune aide – ou si peu ! – pour leurs contrats individuels de complémentaires. Ainsi dans la Fonction Publique l’aide est de l’ordre de 15 centimes d’euro par agent et par mois, selon la déclaration commune des 4 principaux syndicats de la FP !

Les désengagements de la Sécurité Sociale ont de nombreuses conséquences. De 2001 à 2015 le volume des cotisations pour les complémentaires-santé a doublé pour atteindre plus de 35 milliards d’euros! Les restes à charge des patients (forfaits, franchises…) sont passés de 11,7 à 16,4 milliards. Les dépassements d’honoraires s’élèvent à 14,5 milliards (2,8 en médecine et 11,7 en optique, audioprothèse et dentaire). Dans les cliniques, le reste à charge réglé directement par le patient s’élève à 4% des dépenses,1,81% en hôpital. Ces réalités décrivent partiellement les ravages de la privatisation du système de santé considéré comme un «marché».Remettre en cause la place centrale de la Sécurité Sociale serait dégrader la situation : la France consacre moins de 12% de son PIB pour la santé avec un système performant en ce qui concerne la qualité des soins. Aux USA 17% du PIB ! Leur système est privatisé, avec quelques pôles d’excellence et une majorité de cliniques sans ambition et très coûteuses, des médicaments onéreux, de grandes difficultés d’accès aux soins…

L’opposition que vous faites « entre les étatistes et les capitalistes » ne me semble pas pertinente. Nous vivons en réalité une opposition exacerbée entre les chantres de l’individualisme et des entreprises capitalistes et les tenants d’une Fonction Publique , de Services Publics et d’une Sécurité Sociale renforcés. L’économie sociale jouant d’autre part un rôle positif évident.

On ne peut rien comprendre au dynamisme des assurances privées, si l’on oublie que la santé ne représente que 5% de leur activité globale. Elles peuvent prendre quelques risques y compris parfois de travailler à perte en pratiquant un dumping agressif. Pourquoi ? Parce que c’est le meilleur moyen pour entrer dans un foyer et faire la promotion de leur couverture des autres risques, extrêmement rentables (vols, incendies, voitures, dépendance, retraite supplémentaire …). Les sociétés d’assurance annoncent clairement la couleur : leurs tarifs sont différenciés, individualisés en fonction des risques présentés par une personne, selon son âge, son sexe, son lieu d’habitation, son état de santé etc… Leurs divers slogans peuvent être traduits brutalement : vous êtes en bonne santé, vous êtes jeunes, sportifs, vous avez une bonne hygiène de vie… pourquoi devriez-vous payer pour les autres ? C’est une gestion antinomique de celle de la Sécurité Sociale, celle appliquant toutes les solidarités, notamment en faveur des plus âgés ou des plus pauvres. Il n’est pas étonnant que 30% seulement des plus de 65 ans soient couverts par les institutions de prévoyance (I. P.) ou les sociétés d’assurance. Les conséquences sont redoutables pour les mutuelles qui doivent pratiquer une solidarité inter-générationnelle à rebours de celle de la Sécurité Sociale puisqu’il faut imposer aux plus de 60 ans des taux et des cotisations 3 à 4 fois supérieurs afin d’offrir aux plus jeunes des tarifs comparables à ceux d’ Axa, de Swislife ou d’une I.P. comme Malakoff Médéric …

J’ai été intrigué par votre commentaire sur les frais de gestion des mutuelles, vous mettez en cause « un rapport à charge des inspections générales des affaires sociales et des finances ». Est-ce à dire que vous contestez les tableaux ci-dessous ?

26 milliards d’€ de remboursements par les complémentaires-santé, la part« utile »

2015 Remboursements Répartition en % Frais de gestion % /dépenses
Mutuelles 13, 715 Mds d’€ 52,83% 3, 534 Mds d’€ 20,48%
Institutions de Prévoyance 5, 036 Mds d’€ 19,40% 0, 916 Md d’€ 15,38%
Assurances privées 7, 208 Mds d’€ 27,77% 2, 470 Mds d’€ 25,52%
Total 25, 959 Mds d’€ 100,00% 6,920 Mds d’€ 21,04% en moyenne générale

En 2015, plus de 34 Milliards d’euros de primes d’assurances et de cotisations. Le « marché » des complémentaires-santé.

2015 Cotisations Répartition en % Evolution 2015/2014
Mutuelles 18 164 millions d’€ 52,90% plus 0,70%
I P 6 149 M d’€ 17,90% moins 2,2 %
Assurances privées 10 038 M d’€ 29,20% Plus 4,9 %
Total 34 353 M d’€ 100,00% Plus 1,3 %

Montants des frais de gestion par rapport aux dépenses. Une Sécurité Sociale économe. Où est le gaspillage ? Où est la lourdeur administrative coûteuse ?

Grâce à un meilleur financement de la Sécurité Sociale et une augmentation du numerus clausus pour la formation de médecin … la France pourrait avoir un système de santé plus efficace et plus accessible partout et pour tous.

En 2015 Assurance Maladie Complémentaires – santé
CSBM* :+ indemnités journalières, prévention, formation …PAD, PH, : 149, 482 Mds de CSBM*187 340 Mds d’€ en tout 25, 959 Mds d’€
Frais de gestion 7,422 Mds d’ € 6, 920 Mds d’ €
Frais / volume de dépenses 4,80% au plus 21,04% en moyenne

* CSBM : consommation de soins et biens médicaux

NB : frais de gestion de l’ensemble des caisses (CNAV, CNAF, CNAMTS, AT/MP …) environ 6% des dépenses gérées par la Sécurité Sociale.

Sources Derniers rapports de la DREES (DIRECTION DE LA RECHERCHE, DES ETUDES, DE L’EVALUATION ET DES STATISTIQUES) auprès des Ministères de la Santé, des Finances et du Travail. Fonds CMUC qui prélève la taxe sur les activités santé des complémentaires. Loi de financement de la Sécurité Sociale. FFSA Fédération Française des Sociétés d’Assurance. CTIP Comité Technique des Institutions de Prévoyance. Fédération Nationale de la Mutualité Française.

Il serait intéressant que dans « Valeurs Mutualistes » soit présenté un dossier sur frais de gestion, fiscalité appliquée aux complémentaires-santé, part « utile » des cotisations MGEN. Vous ne m’avez pas répondu sur la publication des 40 taux de cotisations de la MGEN. Les autres mutuelles, comme la Mutuelle générale de l’économie, des finances et de l’industrie (MGEFI), le font en toute simplicité.Sur la santé, je pense que « Valeurs Mutualistes » pourrait favoriser la prise de conscience des mutualistes concernant les réalités et les enjeux avec des dossiers traitant les nombreux problèmes qui engagent l’avenir comme l’UGM (Union mutualiste de groupe) avec la MGEFI, MNT (Mutuelle nationale territoriale), Harmonie Mutuelle etc … , UMG où vous seriez appelé à exercer de hautes responsabilités selon « Liaisons sociales européennes ». Un tiers des français renoncent à des soins. Rares sommes-nous à ne pas subir le désagrément de délais d’attente. Les patients des milieux modestes évitent les cliniques, repoussent les consultations, vont aux urgences dans un état dégradé. Bientôt tous les secteurs géographiques, toutes les spécialités médicales connaîtront des difficultés selon le Directeur de l’Assurance Maladie. L’accès à des soins de qualité pour tous et partout ne se fera que par une Sécurité Sociale assurant de meilleurs remboursements pour tendre vers la gratuité. Même avec cet objectif les mutuelles auront encore un rôle utile, indispensable à jouer pendant longtemps.

Sentiments mutualistes.

Bernard Colou

Saint Herblain, le 28 février 2017

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