Budget 2017 de la sécurité sociale
L’examen parlementaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 est prévu pour se terminer au plus tard le 8 décembre.
Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 novembre (par 272 voix contre 240 et 15 abstentions) et celui qui a été voté par le Sénat le 22 novembre étant très différents, une commission mixte paritaire s’est réunie pour tenter de trouver un accord entre les deux chambres mais sans succès.
Dans la nuit du 28 au 29 novembre, les députés ont rétabli en 2nde lecture le texte qu’ils avaient voté la 1ère fois, avec de rares modifications à la marge.
Ce texte est actuellement examiné par le Sénat (depuis le 1er décembre).
La première note d’étape rédigée en amont du CDFN des 22 et 23 novembre ne rendait pas compte des modifications apportées par les sénateurs avant leur 1er vote solennel du 22 novembre. Ces modifications apparaissent en gras et en rouge dans cette nouvelle note.
Cette note intègre également, en gras et bleu, une modification apportée par les députés en 2nde lecture.
Un retour annoncé à l’équilibre…
Marisol Touraine a présenté le dernier PLFSS du quinquennat avec fierté. Elle a en effet annoncé que la promesse gouvernementale de revenir à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale serait réalisée en 2017 avec un déficit du régime général quasiment nul (- 0,4 Mds € ) et que seule la branche maladie resterait déficitaire (- 2,6 Mds € contre – 4,1 Mds € en 2016).
En fait, le déficit global atteindrait 4,2 Mds € en 2017 une fois ajoutés les 3,8 Mds € de déficit du FSV (Fonds de solidarité vieillesse) qui prend en charge les dépenses de solidarité envers les personnes âgées (comme le minimum vieillesse désormais intitulé minimum contributif et les cotisations des chômeurs). Le retour à l’équilibre total des comptes est seulement annoncé pour 2019 et celui du seul FSV pour 2020, avec notamment le retour du financement du minimum contributif par la CNAV puisque la branche vieillesse est désormais excédentaire.
Les sénateurs ont rejeté tous les tableaux d’équilibre (par branche et globaux) pour 2016 et 2017.
… qui reflète des régressions sociales (passées ou à venir) importantes
Ce quasi retour à l’équilibre des comptes sociaux dès 2017 n’est dû en grande partie qu’aux mesures régressives imposées depuis plusieurs années :
• le déficit actuel de la branche famille est totalement résorbé grâce à la modulation des allocations familiales et à la réduction de certaines prestations familiales,
• la branche vieillesse est devenue excédentaire (+1,6 Md€ en 2017) grâce au recul de l’âge de la retraite à 62 ans et à l’allongement de la durée de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein,
• la branche accidents du travail-maladies professionnelles est excédentaire (+0,7 Md€) en raison de la sous-déclaration notoire des AT et de la non reconnaissance de bon nombre de MP.
Quant à la branche maladie, elle doit ramener son déficit à – 2,6 Mds € en économisant 4,1 Mds € en 2017 alors qu’elle doit faire face à des dépenses nouvelles.
Avec 10 Mds € d’économies sur la période 2015-2017 (dont 3 Mds € pour les seuls hôpitaux publics), la sécurité sociale aura été lourdement mise à contribution pour financer le Pacte de responsabilité et réduire les dépenses publiques.
Un ONDAM qui reste historiquement bas
L’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) est légèrement relevé en 2017 (+ 2,1 %) mais le taux de progression des dépenses remboursées reste à un niveau historiquement bas au regard des taux réalisés dans le passé et de la hausse spontanée des dépenses (+ 4,3 %).
Cette cible ne permettra donc pas de couvrir tous les besoins (hôpital, soins dentaires, optiques…).
Avec 650 millions € de plus qu’en 2016, cet ONDAM ne permettra même pas de couvrir complètement les deux
nouvelles dépenses accordées récemment par le gouvernement :
• relèvement du prix de la consultation standard de 23 à 25 € au 1er mai 2017 (soit + 400 millions €)
• revalorisation du point d’indice des agents hospitaliers et de leurs carrières (soit + 793 millions €).
C’est pourquoi le PLFSS prévoit de prélever des contributions ici ou là pour financer des dépenses qui relèvent normalement de l’assurance maladie.
Parmi les jeux d’écriture envisagés, on peut citer par exemple les 230 M€ prélevés sur les réserves de la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) pour financer les établissements médico-sociaux qui accueillent des personnes âgées et handicapées.
Les sénateurs ont rejeté l’ONDAM pour 2017 comme celui, rectifié,pour 2016.
4,1 Mds € d’économies supplémentaires en 2017
Les 4,1 Mds € d’économies supplémentaires imposées dans le domaine des soins se déclinent comme suit :
• 600 millions € au titre du virage ambulatoire,
• 800 millions € de gains d’efficience via la mutualisation des achats hospitaliers,
• 1,4 Md € d’économies sur les médicaments et dispositifs médicaux avec notamment une nouvelle promotion des génériques,
• et 1,1 Md € pour la pertinence des soins.
Améliorer l’efficacité du système de santé est un objectif légitime mais les mesures prises risquent d’aboutir une fois de plus à une baisse du niveau du service rendu à la population en termes de proximité et de qualité des soins, de suivi des patients, de prise en charge de leurs traitements.
Ce PLFSS ne s’attaque pas à la concurrence entre l’hôpital public et les cliniques privées, il ne règle pas la situation des hôpitaux publics au bord de l’asphyxie financière après 10 ans de T2A (tarification à l’activité), il poursuit la mise sous tension de l’hôpital public avec les suppressions d’emplois cumulées et les économies supplémentaires à réaliser.
Contrairement à l’objectif affiché par la loi santé du 26 janvier 2016, les GHT (groupements hospitaliers de territoire) sont loin de faciliter le parcours des patients et l’organisation des soins. Ils servent avant tout de prétexte pour fermer des établissements de soins de proximité et pour réaliser des économies.
La régulation des prix des médicaments affichée dans ce PLFSS et la promotion des génériques sont des mesures positives mais la politique à l’égard des laboratoires pharmaceutiques reste peu ambitieuse et offensive.
Le gouvernement affiche avec fierté une diminution du « reste à charge » des patients. Mais c’est la montée en charge des ALD (affections longue durée prises en charge à 100 %) qui permet d’afficher cette évolution moyenne. Le taux de remboursement hors ALD ne cesse en effet de baisser et la Cour des comptes indique que l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour une majorité de Français, et pas seulement pour les plus modestes, en raison notamment des dépassements d’honoraires. Or, ce PLFSS ne revient pas sur les désengagements passés de l’assurance maladie obligatoire (déremboursements, franchises, forfaits…).
Peu de « grandes mesures » dans ce PLFSS
Initialement composé de 60 articles, le PLFSS 2017 ne comporte pas vraiment de mesures susceptibles de modifier en profondeur la situation actuelle. Certaines dispositions prévues sont positives comme par exemple l’amélioration du recouvrement des pensions alimentaires non payées. Certains amendements adoptés par les députés en première lecture vont parfois dans le bon sens comme l’expérimentation de la prise en charge de la souffrance psychique chez les jeunes dès l’âge de 6 ans. Mais rien ne vient bousculer la philosophie générale.
Car ce PLFSS confirme les choix du gouvernement en matière de réduction des dépenses sociales et en faveur des entreprises au nom de la compétitivité et de l’emploi.
La politique d’allègement ou d’exonération de cotisations sociales se poursuit pour les employeurs avec
l’élargissement de certaines mesures aux travailleurs indépendants au prétexte qu’ils ne bénéficient pas du CICE
ou la réduction confirmée de 7 points de la contribution maladie des exploitants agricoles dès l’exercice 2016.
Les pertes de recettes liées aux mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales (estimées à 6,1 Mds € pour 2017) font désormais l’objet d’une compensation intégrale à la sécurité sociale, y compris les exonérations créées avant 1994 qui étaient jusque-là laissées à la charge de la sécurité sociale (pour un total de 3,8 Mds €).
Des mesures de clarification et de rationalisation dans la répartition de certaines recettes affectées à la sécurité sociale sont proposées dans le cadre de l’article 20. Mais le financement des différentes branches de la sécurité sociale reste très peu lisible.
Quelques mesures susceptibles de lutter efficacement contre la fraude sociale et la travail illégal sont envisagées dans ce PLFSS (le manque à gagner est estimé entre 20 et 25 Mds € pour la sécurité sociale) mais on imagine mal comment les URSSAF pourraient relever le défi quand on sait que le PLF 2017 poursuit les suppressions de postes dans les secteurs non prioritaires.
Certains amendements avaient donné lieu à des débats passionnés à l’Assemblée nationale en 1ère lecture. Parmi les points de friction figuraient notamment la liberté d’installation des médecins et l’assujettissement des travailleurs collaboratifs.
Les députés avaient ainsi dû délibérer deux fois sur l’article 10 visant à faire payer des cotisations sociales aux particuliers qui louent des biens via des plate-formes collaboratives. Ceux qui louent leur logement via Airbnb devront désormais s’affilier au RSI (régime social des indépendants) et payer 23,1% de cotisations sociales si leur activité leur rapporte plus de 23.000€ par an. Pour ceux qui louent leur voiture (bateau…), le seuil s’élevait à 7.720 € par an, deux fois plus que dans le projet de texte initial. Mais les sénateurs ont défini un seuil unique de recettes au-delà duquel l’activité de location de meublés ou de biens meuble est considérée comme une activité professionnelle et fixé ce seuil à 40 % du PASS soit 15 691 €. Leur amendement permet également aux plate-formes numériques de prélever la CSG sur les revenus du patrimoine sur le montant des transactions effectuées.
Les députés ont en revanche rejeté l’amendement adopté en commission des Affaires sociales qui visait à lutter contre les déserts médicaux en déconventionnant les médecins s’installant en zones surdotées (article 43 bis). Cet amendement avait provoqué une telle levée de boucliers des syndicats de médecins – qui y voyaient une atteinte à la « liberté d’installation » – que la ministre a fait adopter, à la place, la création d’un statut de « praticien territorial de médecine remplaçant » dans les zones sous-denses, avec des aides à la clef (revenu minimal, notamment durant les interruptions d’activités). Cette mesure « de substitution » a été confirmée par le Sénat.
Ce dernier a en outre créé un article additionnel après l’article 10 pour exonérer partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités qui exercent en zone sous-dense afin de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite.
Les députés ont par ailleurs relevé, dans un article 11 bis, les seuils de revenus fiscaux de référence qui déclenchent le paiement de la CSG des retraités. Quelque 550 000 retraités supplémentaires devraient ainsi bénéficier d’une exonération totale (s’ils gagnent moins de 1.018 € nets par mois) ou du taux réduit à 3,8% (s’ils gagnent entre 1 018€ et 1.331 €). Estimé à 280 M€, le manque à gagner serait compensé par une réforme du régime des attributions gratuites d’actions. Ce relèvement n’a pas été remis en cause par le Sénat.
Au-delà des points qui avaient suscité de vifs débats au sein de l’Assemblée nationale, on pouvait aisément imaginer quelles mesures le Sénat remettrait en cause.
Il a ainsi :
• supprimé l’article 19 bis visant à permettre la co-désignation d’au moins deux opérateurs en matière de prévoyance pour l’ensemble des salariés d’une branche afin de favoriser la mutualisation des risques .
Les députés ont rétabli en seconde lecture cet article 19 bis tout en apportant une nuance.
• supprimé l’article 43 quater introduit par le gouvernement à l’Assemblée nationale, lequel prévoyait une procédure de règlement arbitral en cas d’échec au 1er février 2017 des négociations conventionnelles (qui ont débuté fin septembre) avec les représentants des chirurgiens-dentistes pour réformer la prise en charge de l’assurance maladie dans le secteur dentaire sous la forme d’un avenant à la convention de 2006 .
Le Sénat a, par ailleurs, notamment :
• créé un article additionnel après l’article 6 bis qui vise à sécuriser les entreprises de trransport routier en précisant que les régimes de fin d’activité en vigueur dans ce secteur ne sont pas soumis à la taxe de 50 % sur les avantages de pré-retraite ou de cessation anticipée d’activité ,
• relevé à 10 PASS le seuil d’assujettissement au 1er € des indemnités de rupture conventionnelle et des indemnités de cessation forcée d’activité des dirigeants et mandataires sociaux (Article 8 quater),
• supprimé l’article 16 qui créait une contribution sociale sur le chiffres d’affaires des fournisseurs agréés de produits de tabac (au motif que d’autres leviers d’augmentation de la fiscalité du tabac étaient disponibles),
• précisé, notamment quant à la population ciblée, le dispositif expérimental d’administration du vaccin contre la grippe saisonnière par les pharmaciens (Article 39 quinquies),
• élargi aux orthophonistes la possibilité de prescrire des substituts nicitiniques (après l’article 42),
• supprimé la généralisation du tiers-payant (article additionnel après l’article 42),
• créé un article additionnel après l’article 44 qui prévoit que le gouvernement remet au Parlement dans un délai de 6 mois un rapport sur la révision de la liste des pathologies ouvrant droit aux congés de longue durée pour les agents de la Fonction publique. L’objectif visé est d’obtenir que la sclérose en plaques, reconnue par la sécurité sociale au titre des maladies ouvrant droit à une ALD prise en charge à 100 %, soit ajoutée à la liste des 5 pathologies reconnues pour un CLD dans la FP alors que des maladies qui ont disparu pourraient être retirées de la liste comme la poliomyélite.
• créé un article additionnel (après l’article 45 quater) qui vise à prolonger l’activité des médecins actuellement en poste à l’OFII en portant (de manière transitoire jusqu’au 31/12/2020) la limite d’âge de 67 à 73 ans,
• inséré à l’article 46 plusieurs alinéas visant 1) à contraindre la CNSA à présenter au Gouvernement et au Parlement son bilan et ses réserves 2) à sécuriser l’usage des réserves de la CNSA en précisant qu’elles ne peuvent servir à autre chose qu’au soutien à la perte d’autonomie.
Documents joints
La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.
Contact enretraite@snes.edu