Concertation retraites, état des lieux

Les discussions sur la future réforme des retraites ont commencé. Un colloque au Sénat a eu lieu le 19 avril expliquant que nul impératif budgétaire ne justifiait la réforme systémique mais que cette dernière participait d’un projet de société. Il a été rappelé aussi que la masse financière (part du PIB) pour financer la retraite n’augmenterait pas (voire diminuerait ?) et ce malgré l’augmentation démographique et le vieillissement de la population.
Avec le haut commissariat à la réforme des retraites, la concertation devrait durer jusqu’à décembre 2018 et la loi serait discutée puis votée au premier semestre 2019. Il y aura bien entendu des chantiers postérieurs à la loi qui « ne règlera pas tous les détails ». Les discussions s’organisent en 6 blocs dont 3 avant l’été, à chaque bloc correspondent 2 réunions, une plutôt de bilan et l’autre plutôt de propositions avec différents scénarii qui seront mis sur la table. La première des deux réunions portait sur le système cible. Deux autres thématiques seront abordées avant l’été : les droits non contributifs et les droits familiaux dans un nouveau système.

a) les constats sur le régime actuel faits par le haut commissariat :

Système peu lisible, complexe, injuste : 42 régimes de retraite, plus de 3 en moyenne par assuré, mais aussi 33 façons de calculer un trimestre, 13 règles différentes pour la réversion, etc, insistance sur les inégalités que crée le système actuel, et enfin sur les « rigidités », notamment le fait que l’existence de régimes différents ne favorise pas les mobilités.
Nous partageons certains constats mais nous avons fait remarquer que les inégalités sont souvent créées par les précédentes réformes, par exemple le calcul sur les 25 meilleures années au lieu des 10 au régime général. Dès lors, la prise en compte de l’ensemble des années dans un nouveau système ne risque-t-elle pas d’aggraver ces logiques ?

b) les orientations pour la future réforme

Dans le vocabulaire, on ne parle plus de « réforme » mais de « construction » ou « création » d’un système radicalement nouveau, sur la base : « un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous ».
Globalement, le haut commissariat s’orienterait plutôt sur une retraite par points, du type de ce qui existe actuellement avec AGIRC ARCO mais cela ne serait pas encore arbitré pour l’instant. Ce serait un système universel « qui prendrait, néanmoins en compte la diversité des métiers », sans que l’on ait plus de précisions sur ce point.
Le nouveau système s’inscrirait dans une logique contributive (proportionnalité entre cotisations versées et pensions versées). Pour la solidarité, cela doit se traduire par l’attribution de points non contributifs, « gratuits », mais pour lesquels à chaque fois il faut chercher les financements. Des besoins non couverts aujourd’hui, pourraient l’être (les aidants familiaux, par ex). Quid de la réversion, le dispositif pourrait-il relever de la solidarité ? Pas de réponse sur ce dispositif dont on sait qu’il est globalement menacé. Quid de la prise en compte de la pénibilité et des actuelles catégories actives dans la Fonction publique : les débats restent ouverts.

Le RAFP disparaitrait comme les caisses de l’AGIRC-ARCCO, ou encore l’IRCANTEC.
Les taux de cotisation patronale pour les employeurs publics devraient être « normalisés », notamment pour l’Etat, et ne financeraient plus les droits qui relèvent de la solidarité.
Il n’y aurait plus de durée d’assurance, sauf pour les minima de pension et les dispositifs type carrières longues.
Resteraient des âges, au moins plancher (c’est à dire un âge d’ouverture des droits). Pas de réponse sur de possibles limites d’âge dans le nouveau système puisque, dans la logique du système par points, l’espérance de vie de la génération est un des élément du calcul de la pension. Pas d’éléments sur d’éventuelles décotes.

Rien, à ce stade, n’est dit sur l’existence d’un seul ou de plusieurs « étages » (Un seul régime avec une seule caisse ? Un régime général et un régime complémentaire obligatoire ?) , rien non plus sur les taux de cotisation envisagés ni ses évolutions sur la durée (le taux de cotisation est-il bloqué à un niveau de « prélèvement » qu’on considère comme « acceptable » ?), pas plus que sur le niveau des pensions et de leur indexation qui seront l’objet des groupes de travail à partir de septembre. Aucune référence à un taux de remplacement.
Sur la prise en compte des primes et autres éléments de rémunération dans la Fonction publique : cela serait une des grandes nouveautés puisque les fonctionnaires relèveraient de la règle commune : « un euro cotisé ouvre les mêmes droits » et ne dépendraient plus du code des pensions.

Cela réduit le système de retraite à de la contributivité pure résultant d’une stricte proportionnalité entre les pensions perçues au cours de la retraite et les cotisations versées au cours de la carrière. Quid de la redistributivité ? Va-t-on renvoyer à l’impôt pour la mise en place des dispositifs de solidarité et des minima sociaux ?
Le Haut-comissariat à la réforme des retraites considère que le régime en annuités est dépassé et qu’il doit laisser sa place au régime par points où la contributivité permet de mieux évaluer le financement des droits. Par exemple, la critique du système actuel considérant que périodes assimilées ne sont pas toujours utiles dans un système par annuités est assez révélatrice de l’idéologie du nouveau gouvernement. Il considère qu’il y a des trimestres de durée d’assurance inutiles notamment en citant les femmes ayant eu des carrières complètes qui n’auraient donc pas besoin de trimestres au titre de la maternité. De même considérer que les femmes ont désormais davantage accès à un emploi ne va rien régler sur leur futur niveau de pension. Rien n’est donc parfait dans l’actuel système d’autant plus que les précédentes réformes ont allongé la durée d’assurance requise pour avoir le taux plein et que les trimestres de durée d’assurance au titre des enfants sont actuellement bien utiles pour limiter la décote. De même, les durées validées au titre du chômage augmentent au fil des générations. Il est clair que la notion de carrière complète atteindra vite ses limites dans un régime en points…

Dans la réunion sur les droits non contributifs, la FSU a insisté, alors que ce n’était pas évoqué dans le diaporama, pour que les années d’études supérieures, les périodes de formation, stages, services civiques et de chômage entre la fin de la formation et la vie professionnelle donnent lieu à une prise en compte. Cela devrait être discuté au moment de la discussion autour d’une contribution solidarité que tout assuré devrait être contraint de s’acquitter !

De fait les réunions se tiennent sans projet gouvernemental à débattre, simplement de grandes orientations.

La transition vers le nouveau régime : rien n’est acté. Les hypothèses : pendant « 5 ans après la promulgation de la loi », les anciennes règles s’appliquent, puis pendant 5 ans les deux systèmes coexistent pour qu’en 10 ans la transition soit faite. Cela signifie que pour toute une série de personnes, pendant 5 ans, il faudra imaginer un dispositif de conversion des droits acquis dans l’ancien système en points dans le nouveau système.
Au nom de la solidarité et de la logique du système, les pensions actuelles et futures seront impactées.

Enfin, une table ronde a eu lieu le 24 mai 2018, organisée par le député Olivier Damaisin, rapporteur spécial de la mission Régimes sociaux et de retraite et du CAS Pensions avec les représentants des organisations syndicales de la Fonction Publique. Elle a réuni CGT, FSU, Solidaires, UNSA, les autres étaient excusés. Aucune réponse n’a été apportée sur le projet porté par le gouvernement sur le sens d’une réforme systémique, universelle, ni sur le niveau de financement et la place des solidarités. Les 4 organisations présentes ont pu vérifier leur convergence sur la nécessité de conserver le statut de la Fonction Publique et l’exigence du maintien du pouvoir d’achat à la retraite. Elles ont expliqué que le système actuel demandait des améliorations, le retrait des mesures régressives des dernières réformes pour un retour à un taux de remplacement de 75% et des améliorations significatives pour la retraite des femmes. Elles s’interrogent sur la nécessité d’une réforme systémique. Le député a remis en cause le principe d’équité du système actuel : alors que toutes les études montrent un taux de remplacement équivalent entre régime général et régime des fonctionnaires. Si la CGT, FSU et Solidaires ont affirmé leur opposition au projet de comptes notionnels ou de réforme par points, l’UNSA a nuancé le propos en affirmant qu’elle préférait entrer dans ce débat par la question du montant de la pension qui devait être garanti (pas de perdants dans le nouveau système) et insiste sur la nécessité que la part du PIB (14% actuellement) reste au moins stable. (NB : pour la FSU, cette part soit augmenter car l’augmentation du nombre de retraités, liée à une espérance de vie plus grande, ne peut que provoquer la baisse des pensions lors du départ en retraite, ainsi qu’une baisse de la pension une fois liquidée, si on ne fait que maintenir la part de PIB). Les organisations ont insisté à nouveau sur la nécessité d’avoir un projet sur la table, faute de quoi il n’y a pas débat. La discussion parlementaire devrait commencer en septembre, avec nomination d’un rapporteur.

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