Le rejet de l’immigration et des immigré·es est porté par l’extrême droite et la droite, déborde dans la population, entretenu par les déclarations et propositions au sommet même du gouvernement. Certains politiques spéculent sur l’accroissement de leur notoriété en exigeant des « mesures » coercitives supplémentaires, ou un referendum dont l’opportunité est à interroger et dont les questions restent à définir : générales ou concrètes ? orientées ou ouvertes ? Il est aussi question d’organiser un débat autour de la question « Qu’est-ce qu’être français ? » sur les questions de l’identité, pour déterminer les droits « et surtout les devoirs» que cela suppose… En surfant sur la peur, les inquiétudes et le mal-être de la population, en désignant un responsable global étranger, le pouvoir s’exonère de ses responsabilités.

Les actes de violence réels sont exploités à outrance, l’intensification des obligations de quitter le territoire français (OQTF) se heurtent (comme avant) à des questions d’accords et de droits en vigueur. Le gouvernement envisage de changer encore le droit. En attendant, il le limite, enjoint aux préfets d’être le plus restrictif possible dans son application. Il promet de remettre en cause les accords conclus de longue date.

Même concernant seulement Mayotte, le mot submersion est indigne, d’autant que l’île déroge déjà pour l’application du droit français (droit du sol réduit*, accès refusé à l’aide médicale d’état – AME…). Vouloir supprimer des droits anciens, rendre caducs des accords signés avec certains pays (ex. ceux du Maghreb, particulièrement l’Algérie), remettre en cause les besoins pour les métiers en tension, ou l’accès d’étudiant·es aux études en France, changeraient-ils vraiment la donne, en plus de déroger aux principes fondamentaux d’asile et d’accueil ?

*Une situation spécifique pour Mayotte. La loi du 10 septembre 2018 instaure une dérogation au principe du droit du sol dans le département de Mayotte : un enfant né de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française à la majorité qu’à la condition expresse que l’un de ses parents ait résidé en France de manière régulière et ininterrompue pendant plus de trois mois avant sa naissance.

Le droit

Vivre sur le territoire français :droit à la nationalité, droit de séjour

La question de lutte contre l’immigration revient en force, au mépris des droits humains, élaborés par les États nationaux, internationaux ou à l’échelle d’une région mondiale.

Dans un contexte où la droite, les droites extrêmes mais aussi des franges toujours plus nombreuses de la population font de la lutte contre l’immigration leur cheval de bataille, les gouvernants se soumettent aux extrêmes et se font forts de (au mieux !) limiter, voire d’interdire et de punir la mobilité des personnes.

Les migrations font pourtant partie du développement de l’humanité depuis les temps préhistoriques, des peuples se sont déplacés sur la surface de la terre volontairement et/ou par nécessité. Le système moderne des États aux territoires et aux frontières déterminées par loi et/ou convention a figé légalement l’accès à un territoire (ce que, exemples criants, certains dirigeants ne respectent pas…). Mais le droit existe.

Qui a droit à la nationalité en France ?

« Jus soli, jus sanguinis » : droit du sol, droit du sang

Le Code civil pose, depuis plus de 2 siècles, le principe de la double possibilité d’acquisition de la nationalité française :

  • acquisition par filiation – exclusivement paternelle en 1804 – autrement dit le droit du sang ou jus sanguinis. La loi du 10 août 1927 l’étend aux « enfants légitimes nés en France d’une mère française ». Il faudra attendre la loi du 9 janvier 1973 pour abolir la distinction en droit de la nationalité entre filiation légitime et naturelle.
  • acquisition par un droit du sol (article 9): « Tout individu né en France d’un étranger pourra, dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français » sous condition de résidence et de domiciliation. La loi du 7 février 1851 introduit le principe du « double droit du sol » :  un enfant né en France peut devenir français si son père est lui-même né en France.

Le régime de Vichy abolit le droit du sol entre le 10 juillet 1940 et le 25 août 1944. L’ordonnance du 19 octobre 1945 le rétablira.

Dans les années 80, dans le cadre des débats sur l’immigration, la question de l’automaticité du droit du sol, héritée du XIXe siècle, est remise en cause, par l’extrême-droite d’abord. En 1993, la loi ‘Pasqua’ la modifie: pour bénéficier du droit du sol et devenir français à sa majorité (21 ans), un mineur né en France de parents étrangers doit en manifester la volonté entre 16 et 21 ans. Cette « manifestation de volonté » ou « parenthèse Pasqua » durera cinq ans (1993-1998) avant d’être abrogée en 1998 par la loi «Guigou ».

Deux autres voies ouvrent l’accès à la nationalité française par naturalisation :

  • par déclaration pour conjoint ou proche parent d’un·e Français·e (conditions de durée de présence), voire par déclaration individuelle pour les apatrides,
  • par décret à plusieurs conditions : majorité, durée de résidence en France, régularité du séjour, assimilation des principes et valeurs essentiels de la République, de l’histoire, la culture et la société françaises, connaissance de la langue, insertion professionnelle, bonnes vie et mœurs (pas de condamnation)…

Qui a droit de séjour sur le territoire ?

Les droits et formalités diffèrent pour un Européen de l’UE, un Suisse, dont les droits de séjour durables ou permanents sont simplifiés et favorisés. Pour les ressortissants de certains pays, des conventions et accords bilatéraux ont été conclus (Algérie, Tunisie, Maroc, certains pays d’Afrique subsaharienne…).

Différents types d’autorisation de séjour coexistent : visa court séjour pour les étudiant·es, visa long séjour à valider, carte de séjour retraité·e, autorisation provisoire de séjour (APS) pour soins médicaux ou missions de volontariat, carte de séjour temporaire ou pluriannuelle pour diverses situations dont salarié·e détaché·e ICT (« intra-corporate transfer »)*, admission exceptionnelle au séjour (AES)** pour considérations humanitaires ou motifs exceptionnels, tous posent des conditions et ont un niveau d’exigence renforcé, en matière de respect des principes de la République, de maîtrise de la langue française et de durée de séjour sur le territoire.

* Exception les transports routiers (règles de 2020)
** La circulaire AES du 23 janvier 2025 définit des « principes » accentuant le « caractère dérogatoire et exceptionnel » de l’admission et renforçant « le niveau d’exigence en termes d’intégration des étrangers à notre société », ainsi que « l’absence de menace à l’ordre public ».

Ces autorisations sont dans le viseur des droites en particulier, dans le cadre de leur lutte contre l’immigration illégale, avec en conséquence des restrictions légales. Arguant du prétexte fallacieux et globalement contraire à la réalité que les étranger·es sont attiré·es par les avantages et aides du système social français, que des personnes non intégrées peuvent acquérir la nationalité et/ou bénéficier de droits de séjour, les gouvernants cherchent à restreindre l’accès au droit en multipliant les lois, décrets, circulaires qui durcissent les conditions d’accès à un titre de séjour qui permettrait de sortir ainsi de situations irrégulières. Ils accusent les migrant·es de mettre en péril l’identité nationale et obligent les préfectures à une politique de plus en plus restrictive en matière de délivrance de titre de séjour.

Le contrat d’intégration républicaine (CIR)

Le contrat d’intégration républicaine (CIR) – loi du 7 mars 2016 – est conclu entre l’État français et tout·e étranger·re non européen·ne, nouvellement et légalement admis·e au séjour en France, souhaitant s’y installer durablement. Le signataire s’engage à suivre des formations pour favoriser son insertion dans la société française.

Le contrat d’intégration républicaine (CIR) est conclu, pour une durée d’un an, entre l’État français et le demandeur. En le signant, elle ou il s’engage à respecter les principes et valeurs de la société française et de la République et à suivre avec sérieux et assiduité les formations demandées. Les exigences sont de plus en plus contraignantes.

Le droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle

C’est un droit humain fondamental reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948, article 14. Il est internationalement reconnu par la Convention de Genève de 1951 et inscrit dans la Constitution française. Il permet de protéger toute personne victime de persécution. La définition de l’asile constitutionnel est donnée dans la Constitution de 1946, alinéa 4 du préambule, qui stipule que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la république ». Le danger encouru ne suffit pas, il faut une preuve d’action, ce qui par exemple conduit à débouter massivement en 2024 les Haïtiens demandeurs d’asile…

Refuser la mise en cause des droits, instaurer une politique d’accueil visant le respect des vies humaines et mettant en place des conditions d’intégration et de régularisation pour de nouvelles forces vives nécessaires aux pays européens devrait guider nos gouvernants. L’immigration est un atout en faire prendre conscience une nécessité humaine mais aussi pour le développement du pays.

Réalités de l’immigration : des chiffres

En 2023, on dénombrait 7,23 millions d’immigrés, soit 10,7 % de la population dont 2,5 M. ont acquis la nationalité française (INSEE 29/08/24). Selon les chiffres publiés début février par les services de l’État, le rapport reste d’à peine un peu plus de 1 immigré·e sur 10 personnes vivant sur le territoire.

Selon des données calculées à partir du recours à l’AME (Aide médicale d’État), on compte environ 400 000 étrangers en situation irrégulière en France (3 fois moins qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni). En extrapolant, l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) estime actuellement leur nombre entre 600 000 et 900 000.

Les premiers chiffres pour 2024 des services de l’État (février 2025)

Les visas. En 2024, la France a reçu plus de 3,4 millions de demandes de visas. Elle en a refusé près de 580 000 et en a délivré 2,8 millions contre 2,4 million en 2023, soit une hausse de 16,8%. Ce nombre reste inférieur au total des visas délivrés avant la crise sanitaire. En 2019, la France avait délivré 3,5 millions de visas. Les visas de court séjour, accordés par exemple pour des séjours touristiques, sont les plus nombreux.

Les trois principaux pays d’origine des titulaires de visas en 2024 sont la Chine, le Maroc et l’Inde.

Le plus grand nombre de visas délivrés, tous motifs confondus, concerne les ressortissants chinois, en hausse de 51% par rapport à 2023.

Les flux migratoire. 336 710 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2024, soit une légère hausse de 1,8% par rapport à 2023.

Le motif étudiant est le premier motif d’attribution d’un titre de séjour, suivi par les titres pour motif familial. Les principaux pays d’origine des bénéficiaires de premiers titres de séjour sont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie.

Concernant les immigrés en situation irrégulière, 27 791 étrangers ont quitté le territoire français. Le total des éloignements d’étrangers en situation irrégulière est en hausse par rapport à 2023 (+ 22,4%).

L’asile. En 2024, 157 947 demandes (mineurs compris) ont été formulées. Cela représente une baisse de 5,5% par rapport à 2023. L’Ukraine, l’Afghanistan et la République démocratique du Congo sont les premiers pays de provenance des demandes d’asile.

L’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides)et la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) ont prononcé 70 225 décisions accordant un statut de protection (réfugié ou protection subsidiaire, hors mineurs accompagnants), soit une hausse de 15,3% par rapport à 2023 (l’Ofpra a enregistré 153 596 demandes d’asile).

Les naturalisations. le nombre des acquisitions de la nationalité progresse de 8,3% en 2024 par

rapport à 2022. Au total, 66 745 personnes ont acquis la nationalité française en 2023. Le nombre de contrats d’intégration républicaine (CIR) signés en 2024 est en baisse par rapport à 2023 (-10,5% soit 114 443 contrats), principalement en raison du retard dans la reconduction du dispositif à partir de juin.

Michèle Olivain

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