1. Des différences importantes dans l’impact de l’épidémie selon les pays :

10000000000002ee000003e8342a8b17.pngS’il est difficile de comparer les chiffres des cas par pays du fait d’une politique de dépistage très variable d’un pays à l’autre, il est plus facile de comparer l’évolution du nombre de morts comme le montre le tableau ci-dessous.

Une différence saute aux yeux : si les pays d’Extrême-Orient semblent avoir stabilisé la courbe ou, au moins limité sa progression, les pays d’Europe, ainsi que les États-Unis continuent d’avoir une augmentation rapide du nombre de victimes. Quelles hypothèses peut-on avancer pour expliquer ces disparités ?

2. Comparaison des équipements sanitaires des pays concernés :

Si l’on prend le nombre de lits de réanimation pour mille habitants (tableau ci-dessous), la France se situe au dix-neuvième rang mondial avec 3,1 lits, là où le Japon dispose de 7,8 lits, la Corée du sud de 7,1 lits et l’Allemagne de 6. A l’inverse l’Italie dispose de 2,6 lits et l’Espagne, comme les États-Unis de 2,4 lits. Difficile de ne pas voir une corrélation entre le faible nombre de lits de réanimation et le fort taux de mortalité. Il faudra sans doute attendre des études approfondies pour vérifier si cette corrélation relève ou non d’un lien de causalité.

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(La tribune 18/03/2020)

3. Remarques concernant la Chine :

S’il est vrai que le foyer initial de l’épidémie se situe en Chine, il est tout aussi vrai que l’identification du virus, le séquençage de son génome et la mise au point de tests de dépistage ont été réalisés dans un délai remarquablement court par les chercheurs chinois, ce qui témoigne d’une recherche médicale dans ce pays qui n’a rien à envier à celle des pays occidentaux les plus avancés. De même, certains témoignages d’équipes européennes s’étant rendues à Wuhan, au cœur de l’épidémie, ont rendu compte d’un niveau d’équipements « digne des meilleurs établissements suisses ou allemands », notamment concernant les appareils d’assistance respiratoires ECMO (oxygénation par membrane extra-corporelle).

4. La question des tests de dépistage :

La France en réalise 8 fois moins que la Corée du sud et 6 fois moins que l’Allemagne. Il est vrai qu’elle ne dispose que de 150 centres de dépistage là où la Corée en possède 540 pour une population de cinquante-quatre millions d’habitants.

De même, là où l’Allemagne réalise près de 28000 tests par jour la France n’en réalise que 4000 depuis le 13 mars (elle était à 2000 avant le 8 mars). Or l’OMS recommande le recours aux dépistages massifs pour permettre de contrôler le développement de l’épidémie.

5. Les masques de protection :

Il apparaît clairement maintenant que la pénurie de masques et notamment des FFP2, qui protègent efficacement les soignants en filtrant l’air, est due aux choix politiques des divers gouvernements, y compris l’actuel dont les errements et les hésitations en la matière ont fait perdre un temps précieux. Les stocks, qui étaient de 723 millions en février 2009, tombent à 579 millions en mai de la même année (rapport du sénat) pour disparaître en 2011. L’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) créé 2007 a été dissoute en 2016. Le fait est que, là encore, alors que les pays d’Asie ont tiré les leçons des épidémies de SRAS et de MERS et que la population dispose largement des masques chirurgicaux permettant de se protéger, la France, par souci d’économies, a désarmé les moyens de prévention et de lutte contre cette pandémie.

6. Le discours gouvernemental :

Dans un tel contexte, qui révèle à tout le moins un retard considérable de notre pays et une impréparation totale à une crise de cette nature, le discours gouvernemental se caractérise par ses hésitations, son retard à l’allumage, ses contradictions et sa stratégie de masquage et d’enfumage.

Hésitations quand il s’agit de prendre les mesures de confinement, retard à l’allumage quand il s’agit de vérifier d’abord puis de pallier l’absence de stocks de masques (FFP2 notamment). Contradictions quand on demande dans le même temps aux Français de rester chez eux et d’aller travailler, quand on demande de ne travailler que dans les secteurs vitaux et que l’on se refuse à en dresser la liste. Masquage et enfumage quand on tire un voile pudique sur la pénurie de masques, de gel hydroalcoolique, de lits de réanimation, enfumage encore quand on déclare qu’il est inutile d’équiper la population de masques parce qu’elle ne saurait pas les utiliser correctement.

Inconséquence aussi quand, à ce jour, les cliniques privées n’ont pas été réquisitionnées alors même qu’elles le demandent. Où quand, malgré la demande de la CGT, un établissement, producteur de bouteilles d’oxygène menacé de fermeture, n’a pas encore été nationalisé… Il faudra bien un jour tirer le bilan de cette séquence.

Enfin, le cynisme est à son comble quand on profite d’une réunion exceptionnelle du conseil des Ministres consacrée au coronavirus pour adopter le principe du 49.3 concernant la réforme des retraites ou quand on met en place la stratégie du choc en profitant de la crise sanitaire pour faire passer des lois et ordonnances remettant en cause des éléments essentiels du code du travail.

Conclusion

On peut faire l’hypothèse que la meilleure gestion de la crise sanitaire par les pays d’extrême orient repose au moins pour partie, sur un système sanitaire performant et adapté à affronter une épidémie d’ampleur. En revanche, l’obsession budgétaire et l’impréparation des pays occidentaux peuvent aisément expliquer la situation de saturation des hôpitaux que l’on constate. Les politiques à l’œuvre depuis trente ans, accélérées par le pouvoir actuel, par leur aveuglement, révèlent leur caractère mortifère au sens propre du terme. Les questions que l’on peut se poser sont celles-ci : sommes-nous en train d’assister à un basculement historique qui verrait le déclin de l’occident au profit de l’Asie ?

La mise à nu du néolibéralisme va-t-elle enfin permettre l’émergence d’un système plus solidaire que nous appelons de nos vœux ou les solutions autoritaires vont-elles prendre le dessus à l’occasion de la crise actuelle ?

En tout état de cause, la crise sanitaire est un formidable révélateur de la faillite du néolibéralisme et la confirmation évidente de la justesse des thèses que nous défendons. Il convient donc de nous préparer à l’après pour pouvoir peser et faire en sorte que la transformation sociale que nous souhaitons voie enfin le jour.

En attendant prenez soin de vous et bon confinement.

Manuel Fernandez le 26/03/2020

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