SOCIÉTÉ

Sortir de la culture guerrière… Difficile en cette période de se libérer de toute propagande, de prendre du recul sur les événements et, au-delà de l’émotion et de la nécessaire solidarité, (re)construire un projet de paix autour des grands principes internationaux qui visent à élever les défenses de la paix dans l’esprit des hommes.

La guerre affecte tous les domaines de nos vies. Politiquement, économiquement, médiatiquement et concrètement sur notre pouvoir d’achat et notre état d’esprit, la guerre influe sur notre mental et notre environnement. L’équilibre mondial se dit en termes de pouvoir, de blocs. Notre vocabulaire est émaillé de termes guerriers, la lutte syndicale ne faisant pas exception !

Un état mondial inquiétant

La guerre en Ukraine, mais aussi les guerres et leurs conséquences sur tous les continents, les conflits et les troubles armés qui perdurent, pèsent mondialement.

En Afrique, les conflits persistent en République démocratique du Congo – RDC – , au Mali et dans la zone frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, pays parmi les plus dangereux : de nombreux civils massacrés, des populations déplacées. Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a recensé des milliers de victimes de violations et d’abus.

Au Moyen-Orient : pas de fin en vue pour de nombreux conflits de longue date en Syrie, au Yémen, en Cisjordanie et en Israël, en Iran…

Haïti est « au bord du gouffre », particulièrement à Port-au-Prince, en butte aux rivalités de gangs et victime d’une catastrophe humanitaire. La Colombie subit encore des violences dans les zones rurales. Le Pérou est secoué par le rejet du pouvoir en place…

L’Afghanistan, connaît des dizaines d’attaques terroristes meurtrières et et impose une réduction dramatique des droits des femmes. La tension nucléaire continue en Corée. Au Myanmar , au Bangladesh, les populations vivent des détresses humanitaires, spécialement les rohingyas.

Les menaces nucléaires de la Russie contre l’Ukraine s’accentuent, les crimes et destructions à l’encontre des civils continuent, entraînant des blessures et des morts mais aussi de durables dégâts psychosociaux en particulier sur les jeunes. On recense 3 186 établissements scolaires détruits et seuls restent ouverts ceux qui disposent de souterrains refuges en cas d’alarmes et d’attaques, 1,6 M d’élèves suivent les cours en distanciel, 2,2 M en présence ou en hybride. De nombreux enfants sont réfugiés surtout dans les pays limitrophes. Les kidnappings d’enfants  (16 000 transferts en zone russe) font l’objet d’un mandat de la Cour pénale internationale contre Poutine.

La course aux armements en progression

Les économies de tous les pays – mis à part ceux qui ont fait le choix de ne pas avoir d’armée, comme le Costa Rica *– consacrent de plus en plus d’argent à leur armement. Les montants consacrés aux dépenses militaires sont démesurés face aux besoins sociaux et climatiques à couvrir. Même (surtout ?) dans les pays à faible revenu, les dépenses d’armement prennent le pas sur les dépenses d’éducation, de santé, de protection sociale. D’autant que le matériel lourd de guerre coûte de plus en plus cher et que les tensions entre grandes puissances ont des répercussions sur tous les États.

Le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute – Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) a chiffré à plus de 2 110 milliards la valeur des équipements militaires dans le monde en 2021, les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni et la Russie concentrant deux tiers de ces dépenses (SIPRI 2022).

Les armements lourds ne sont pas les seuls en cause

Sans se soucier des populations civiles et des « dégâts collatéraux », le recours aux drones ou dans d’autres circonstances aux mines, restes explosifs de guerre et engins explosifs improvisés, continue de tuer ou de blesser chaque année des milliers de personnes.

Et aujourd’hui, plus d’un milliard d’armes légères et de petit calibre (ALPC) sont éparpillées aux quatre coins de la planète. Avec des conséquences désastreuses : 90% des victimes de guerre – femmes et enfants pour la plupart – sont tuées par des armes légères. La surabondance de ce type d’armement continue d’avoir des effets négatifs et déstabilisateurs pour le développement ; elle favorise une criminalité sans cesse plus violente tout en étant souvent mêlée au trafic de drogue….

De plus, crise climatique, crise économique, catastrophes naturelles ont souvent partie liée aux conflits : tout ce qui crée un climat sécuritaire dégradé est potentiellement et effectivement source de violences et de guerres. Le Pakistan après les terribles inondations de cet été, le Kenya qui subit sa pire sécheresse, la Turquie et la Syrie victimes du tremblement de terre ont un urgent besoin d’aide humanitaire.

Même loin des conflits ou après la restauration de la paix, les populations en subissent les conséquences

Les périodes de guerre ou de conflits ont des suites durables, aussi bien matériellement que sur le mental des populations. Les blessés et tués, les destructions des lieux de vie, – habitations, établissements scolaires, hôpitaux et autres lieux de soins, lieux de culture… -, impactent aussi sur le plus long terme le devenir des familles, des enfants en particulier. Les questions de santé mentale, de dépassement des traumatismes, de retour à un état de bien-être demanderaient une prise en charge bien plus efficiente, pour renforcer les mécanismes de résilience.

Les populations déplacées à l’intérieur ou hors du pays, dans des camps, ou des abris de fortune, migrant-es ou réfugié-es ont dépassé les 100 millions de personnes en 2022. Et leur déracinement s’inscrit dans la durée. Très peu peuvent retrouver leur pays d’origine, même au bout de plusieurs années, tant les conflits ou leurs suites perdurent. La vie des camps est pour toutes et tous une épreuve : les déraciné-es ont tout perdu et beaucoup peuvent être gagné-es par l’hébétude, le repliement, ou la violence. La vie dans les camps accroît tous les risques : les risques pour la santé avec les problèmes d’hygiène, d’accès à une eau potable (le choléra rôde), à des soins adaptés mais aussi les retards voire l’absence de scolarisation ou la multiplication des mariages précoces et du travail forcé…

La volonté de paix : perspectives

« Le défi à relever est clair », a déclaré  António Guterres, secrétaire général de l’ONU. « Il s’agit de préserver les générations futures du fléau de la guerre, avec un multilatéralisme revitalisé qui soit efficace, représentatif et inclusif ».

Le multilatéralisme repose sur l’engagement de chaque État par rapport aux principes de la Charte de l’ONU, et sur le respect de cet engagement. Il appelle à un renforcement de la prise en compte dans chaque pays et entre pays de l’urgente solidarité à construire pour faire face aux menaces : conflits, changement climatique, pauvreté, éducation, information…

Amener les dirigeants à une négociation, pour une résolution pacifique des conflits, nécessite aussi la prise de position de l’opinion publique : une volonté de la majorité d’un pays à aller dans ce sens. Cela suppose de ne pas se soumettre aux pouvoirs économiques et financiers, supranationaux. Cela suppose aussi de combattre les nationalismes qui voient perte de souveraineté là où il y reconnaissance de l’interdépendance mondiale qu’il faut bâtir sur des bases de justice et de solidarité.

Les organisations internationales existantes doivent aussi s’améliorer : plus démocratiques, transparentes, inclusives, elles seront plus efficaces et auront plus d’impact.

Il y a encore un gros travail de conviction pour étendre et rendre effectives les ratifications des conventions, traités et autres décisions qui interdisent, limitent, encadrent le commerce et l’emploi des armes. Et encore plus pour faire diminuer les dépenses militaires dans nombre de pays qui privilégient la défense au détriment des dépenses sociales et environnementales d’avenir.

« C’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » (Acte constitutif de l’UNESCO).

La paix se fonde sur la « solidarité intellectuelle et morale de l’humanité », non sur la seule coopération économique. Le respect des droits, la justice, les mécanismes d’entraide, l’action commune pour faire face aux menaces sur la planète, aux crises, doivent guider les décisions de chacun-e – et des gouvernements. La paix et le développement des peuples doivent s’appuyer sur des fondements plus solides que les seuls accords politiques ou économiques entre les États.

Le rôle de médias, des réseaux de communication, de l’information et particulièrement de l’éducation est essentiel pour instaurer la paix dans l’esprit des populations.

Les appels de  »grands témoins », de personnalités peuvent donner une résonance particulière à ceux de simples citoyens mais la force sera celle du nombre, chaque personne compte.

Chacun-e en œuvrant pour la paix, les droits, en combattant tous les racismes et discriminations, en soutenant l’accueil des migrant-es, en travaillant à plus d’égalité apporte sa volonté de changer le monde.

Michèle Olivain

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