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La triple peine !

La pandémie agit comme un révélateur qui exacerbe les difficultés.

J’apprends que ma mère, âgée de 91 ans, qui désire finir ses jours chez elle, se retrouve sans auxiliaire de vie. La structure associative, subventionnée par la Région Île de France, dépassée par les événements, ne peut plus faire face… Comment ne pas avoir anticipé la fragilité de ce lien assurant à ma mère un contact quotidien avec l’extérieur ; lien assuré par des femmes en première ligne, peu formées, courant d’une maison à l’autre en transports en commun, payées avec des salaires de misère, sans réelle reconnaissance sociale ? L’une a…mon âge: 66 ans, est diabétique ; l’autre a mal au dos et est enlisée dans des problèmes familiaux. Que faire ? 35 kms nous séparent.

Culpabilisation familiale
Et à cela s’ajoute la culpabilisation familiale. Mon frère, de sa province, s’oppose à ce que je me rende auprès de notre mère.  Tu ne te rends pas compte ! Tu vas lui transmettre le corona…risque létal pour elle qui est en insuffisance cardiaque et pulmonaire…Mais pourquoi moi ? Et les auxiliaires de vie ? Et les infirmières ? Mais je mettrai un masque ; je prendrai des précautions…Je maintiendrai une «distance sociale»! Et d’invoquer…toute fière, mes masques maison confectionnés avec les mouchoirs en coton de notre père, donc lavables…Las ! Je me retrouve face à une réplique infantilisante du discours de Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement : Mieux vaut pas de masque du tout qu’un masque mal utilisé…Me voici piégée, confrontée à une responsabilité écrasante…et coupable par anticipation…piégée par les appréhensions familiales, somme toute, légitimes, n’est-ce pas ? Donc morte d’inquiétude, moi qui me suis privée de tout contact avec mon petit-fils pour ne pas transmettre la maladie à ma mère…Coincée, cernée de toutes parts, tétanisée d’effroi devant cette responsabilité individuelle qui me tombe sur le dos…

Angoisse.
Les deux infirmières qui assurent, par roulement, un passage quotidien 365 jours par an, continuent à visiter ma mère. Jusqu’à quand ?

Laurence Gauthier, Juvisy, le 29 mars 2020

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La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

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