Les personnes âgées au temps du confinement

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Les personnes âgées au

temps du confinement

Pour les personnes âgées, la vie confinée est-elle différente de la vie « normale », pour autant que la vie soit normale lorsqu’on atteint le grand âge ? Diffère-t-elle selon qu’on est en EHPAD, maintenu.e à domicile ou isolé.e ?

Qui peut aider ?
Situations et réalités sont bien différentes mais, seule certitude, lorsqu’on entre dans la recherche d’aide, on part pour une quête sans issue, dans une forêt sombre, dans un labyrinthe kafkaïen qui nous laisse épuisé.e.s et seul.e.s.
Au terme de cette quête la réponse finale à la question -« Qui peut aider ? » – posée aux multiples niveaux des services sociaux tombe : la famille, les voisins.
Nous voilà donc les aidants : retraités, âgés aussi, fatigués aussi, considérés comme personnes à risque étant donné notre âge, devant porter toute la charge de gérer une deuxième vie ; cette charge déjà lourde en temps normal devient insupportable en ce temps de confinement.
Ainsi donc, ma sœur et moi, nous occupons de notre mère très âgée – 99 ans depuis une semaine. Nous avons peur pour elle. Nous essayons de la protéger mais, oui, nous allons lui rendre visite, oui, nous avons fêté son anniversaire avec elle et oui, nous partageons un repas par semaine avec elle. Est-ce prendre des risques ? Lui en faire prendre ?
Elle ne veut pas quitter sa maison où elle a ses repères, ses objets, ses gestes quotidiens qui structurent un peu sa vie. Mais elle ne peut pas vivre ce confinement sans nos visites, les courses que nous lui apportons, les réparations que nous effectuons, les solutions que nous apportons à ses questions domestiques, les échanges affectifs et intellectuels qui lui permettent de garder une dignité de personne humaine.

Parcours du combattant
Dans ce temps de confinement, il a fallu se battre pour qu’une aide ménagère continue à venir à son domicile, pour assurer la propreté et l’hygiène de sa maison, mais pour cela il a fallu trouver une personne qui avait des masques pour venir travailler. Comment s’en procurer ?
Alors que les aides à domicile y ont droit, selon les décisions du Premier ministre, il a fallu se battre là encore pour faire valoir ce droit, découvrir où l’on devait s’adresser.
Les pharmaciens qui en avaient les gardant pour les soignants, finalement l’employeur de l’aide-ménagère a pu trouver quelqu’un-qui-connaissait-un-pharmacien-ami-qui-a-accepté-d’en-donner-six. Mais il faudra se battre, quémander pour en avoir d’autres dans les semaines à venir. Ces démarches sont humiliantes et culpabilisantes.

Au cours de cette quête, j’avais sollicité l’aide des services sociaux de la ville, puis de l’agglomération : on m’a demandé si ma mère avait droit à l’APA. C’est bien le cas, mais à quoi cela sert-il ? Avant le confinement déjà, j’avais mis trois semaines pour réussir à contacter une responsable et avoir une réponse : l’assistante sociale de notre secteur a pris sa retraite depuis quelques mois, une autre personne doit être nommée, fin mai peut-être. Faire une demande de nouveau dossier prendra environ trois mois, peut-être plus…Vu l’âge de ma mère, au mieux elle aura un résultat pour l’anniversaire de ses 100 ans !
Alors je renonce, épuisée. Les assistantes des services sociaux en conviennent : il vaut mieux que JE m’occupe de ma mère.
A quoi servent-elles ? A nous lire la liste d’organismes impuissants, à nous donner la liste de numéros de téléphone qui ne répondent pas. Rouages inutiles relayant les mensonges des discours officiels.

Et nous ?
Retraité.e.s plus ou moins âgé.e.s, nous sommes épuisé.e.s physiquement et psychologiquement.

Quant à l’usage du numérique, constamment cité comme solution, loin de rompre l’isolement il l’accentue pour les personnes âgé.e.s, les précaires et leurs enfants, les SDF, les migrants, pour tous ceux qui ne savent pas utiliser les nouveaux outils ou n’y ont pas accès ; ainsi se créent de profondes fractures sociales.
Eliane Morin

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