Principe fondamental de la Sécu : chacun cotise selon ses moyens et perçoit selon ses besoins.

En 1945, est créée une caisse unique, gérée par les représentant·es des salarié·es élu·es. L’affiliation est obligatoire, la solidarité (inter et intra-générationnelle, entre malades et bien portants) est une réalité. Et dès 1945, elle vise à l’universalité : ne laisser personne en dehors de la protection. Le texte met l’accent sur la nécessité de distribuer autrement les richesses. Dès lors, les résultats sont rapidement là. Les réussites sont incontestables en matière de protection et de réduction de l’insécurité sociale. Le redressement démographique est spectaculaire (amélioration de l’état sanitaire, régression de la mortalité infantile et des adultes, augmentation de la natalité..). La certitude de pouvoir être soigné·e et d’être indemnisé·e en cas de maladie, de percevoir un complément de ressources à la naissance d’un enfant, de conserver son niveau de vie en cas d’invalidité…, la législation sur les accidents du travail appliquée à toutes et tous, autant de mesures qui libèrent de la peur du lendemain ! Et « bien loin de détourner les hommes et les femmes de travailler », comme certains l’avaient prédit, la Sécurité sociale s’est accompagnée d’un dynamisme économique extraordinaire : « Illustration exemplaire de Keynes sur les rapports entre État social et économie, la protection sociale diminue les risques de récession en cas de crise et elle est favorable à l’emploi », Colette Bec.

Mais en 1945 le ver était déjà dans le fruit : le mouvement mutualiste, extrêmement puissant à l’époque obtient la gestion du ticket modérateur. La loi Morice (1947) permet par exemple à la MGEN d’assurer la gestion du système obligatoire et du système complémentaire en échange de sa reconnaissance de la Sécu. Les médecins libéraux ont mené une guerre féroce. Et au fil du temps, les gouvernements successifs plus ou moins favorables au patronat n’ont eu de cesse d’attaquer les principes fondateurs de la Sécu, fin de la caisse unique, fin des élections et création de branches autonomes, « paritarisme » etc.… et multiplication des mesures régressives (forfaits divers, dépassement d’honoraires, déremboursement…), si bien qu’actuellement il est impossible de se soigner sans complémentaire. L’entrée en masse des assurances privées, la financiarisation de la santé s’accompagnent d’une politique d’étatisation de la Sécu avec notamment, en 1996, les lois de financement de la Sécurité sociale dont l’objectif est de garantir l’équilibre financier du système et non plus d’assurer les besoins en santé.

L’ANI et la PSC : des dispositifs en violation des principes de la Sécurité sociale

Les gouvernements ont transféré de plus en plus de remboursements sur les complémentaires qui, de ce fait, augment leurs tarifs. Le gouvernement fait mine d’exercer une pression sur elles pour qu’elles modèrent leurs tarifs, mais sans envisager des mesures de rétorsions contre celles qui feraient flamber les prix. Pour une raison structurelle : cette inflation est le résultat d’une politique consistant à développer un marché soumis à l’exigence de rentabilité.

La mise en place de la PSC dans la Fonction publique, prolongeant celle de l’ANI de 2013, renforce indéniablement le pouvoir des complémentaires santé par l’extension d’un marché, qui est de fait soutenu par l’État. La PSC modifie le rapport de forces contre la Sécu dont elle consacre le recul organisé par le pouvoir. Ce qui est en question, c’est l’extension des activités de marché et d’intérêts privés. La concurrence est intense, la PSC fonction publique étant un enjeu important dans le partage du marché entre complémentaires.

Aujourd’hui, le choix des opérateurs (par l’employeur) pour les ministères qui mettent en place la PSC en 2025 est significatif : le ministère de l’écologie a choisi la start-up ALAN (la MGEN couvrait les 2/3 des personnels), désignée également opératrice pour les services du 1er ministre et les assistant·es parlementaires. Pour le ministère de la Défense, ce seront UNEO (Mutuelle des Forces Armées) pour les militaires et Harmonie mutuelle pour les civils. Au ministère de l’agriculture, le consortium Agrica, Crédit Agricole et Groupama a remporté le marché en confiant la gestion au groupe Mercer, société américaine « plus grand cabinet de conseil en ressources humaines du monde ». Et ce, en dépit de l’opposition d’Élan commun (CGT, FSU et Solidaires). L’accord dans la Fonction publique territoriale (FPT) est gelé par l’État car jugé trop favorable aux personnels.

La privatisation se poursuit allègrement et le marché est de plus en plus conquérant.

Pour les trois ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, et de Jeunesse et Sports, c’est le groupement MGEN/CNP assurances qui a été désigné comme opérateur du contrat collectif. Certes, la MGEN n’est pas une start-up, mais le groupe Assurances CNP est le 5ème assureur européen, le numéro 2 de l’assurance immobilier et de l’assurance-vie en France.

On connaît la suite : au 31 mars 2026, obligation pour les agent·es de souscrire au contrat collectif du volet santé en y ajoutant éventuellement des options. L’employeur prend en charge 50% de la cotisation d’équilibre. Quant au volet prévoyance, facultatif mais indispensable, nous ne connaissons ni l’opérateur ni le montant de la cotisation qui s’ajoutera au volet de la cotisation santé. Les personnels en activité auront la désagréable surprise de voir un tarif plus important que prévu car même si l’adhésion est facultative, ce contrat est important. Il est cependant à craindre que seules les personnes qui se sentent exposées aux risques (congés maladie, maternité, invalidité, …) couverts par la complémentaire de la protection statutaire (améliorée sauf sur le délai de carence) adhérent à cette prévoyance facultative. Les retraité·es auront le « choix » entre souscrire au contrat collectif en partant en retraite (sans prise en charge de l’employeur avec une augmentation progressive du taux de cotisation jusqu’à 175 % de la cotisation d’équilibre au bout de 7 ans), alors que les actives et actifs n’en paieront la moitié, ou adhérer individuellement à une complémentaire (la MGEN, par exemple). Comme c’est le cas aujourd’hui. Dans ce dernier cas, le tarif à l’âge va considérablement s’élever puisque les actives et actifs seront parti·es dans le contrat collectif et que ne resteront dans le contrat individuel que les retraité·es, personnes les plus exposées au risque santé. Un autre choix aux conséquences dramatiques, comme c’est déjà le cas de retraité·es aujourd’hui, serait de renoncer à une complémentaire santé.

On comprend l’angoisse et l’inquiétude des retraité·es devant cette réforme de la PSC, face à l’échéance d’avril 2026, elles et ils sont les perdant·es du dispositif. L’accompagnement syndical d’information est capital pour en prendre conscience et pour se mobiliser.

Chiffres connus actuellement et amenés à augmenter 

  • 1ère année de retraite (100% de la cotisation d’équilibre) : 78,05 euros en 2026.
  • A partir de la 7ème année (175% de la CE) : 136,59 euros en 2026.

Rappel : le montant de la cotisation des bénéficiaires retraité·es ne pourra plus évoluer en fonction de l’âge mais la cotisation d’équilibre de la PSC, elle, continuera d’augmenter comme pour les agent·es en activité puisque le système s’inscrit dans une logique comptable d’équilibre financier et non en réponse aux besoins de santé.

Le basculement vers les complémentaires santé est inacceptable

La PSC est fondée sur trois éléments à l’opposé des principes et valeurs qui sont au fondement de l’assurance maladie organisée par la Sécurité sociale :

– La rupture de la solidarité : telle est la caractéristique principale de la PSC. Pratiquée depuis des années par les complémentaires sur 97 % des contrats individuels, la tarification à l’âge est une illustration du recul de la solidarité avec cet argument que « celles et ceux qui coûtent le plus cher doivent payer plus cher ». A 75 ans, la cotisation mensuelle annuelle est déjà trois fois supérieure au tarif appliqué aux personnes de 30 ans. La PSC aggrave cet écart. « Ce système à deux vitesses fait des gagnants et des perdants, en premier lieu les retraité·»,dit le rapport de la mission du Sénat (septembre 2024). Et ils sont en compagnie des chômeurs, des indépendants et des inactifs.

– Un système inégalitaire : En plus des inégalités agent·es en activité et retraité·es, ce mécanisme est porteur de bien d’autres inégalités entre les actives et actifs cette fois, du fait de l’intégration de la protection dans la politique salariale et des choix différents des ministères. Ainsi, rien n’empêche un employeur de participer davantage jusqu’à 100 %, la cotisation étant alors entièrement à la charge de l’employeur. C’est ce qui se passe dans le privé. En outre, rien ne l’empêche de proposer un panier de soins plus couvrant, notamment par le biais d’options ou d’accès à une sur-complémentaire. Inégalités vis à vis des familles puisque les conjoints et enfants adhérent avec des cotisations bien plus élevées.

– Ce n’est pas un système universel : les droits et les taux de cotisation sont différents selon le mode d’adhésion au contrat collectif : obligatoire pour les actives/actifs, facultatif pour les retraité·es, pour les ayants droit (conjoints, enfants…). De plus les systèmes varient selon les employeurs, notamment selon les ministères, puisque le choix des opérateurs dépend d’eux et que les accords sur les contenus sont négociés par ministères.

Les complémentaires santé sont en violation des principes de la Sécurité sociale en termes d’égalité, de solidarité, d’universalité et d’efficacité.

La Sécurité sociale est efficace : la part de la Sécu dans le financement des dépenses de santé, déjà historiquement élevé, s’est accrue lors de la crise sanitaire : les dépenses supplémentaires qu’elle a entraînées ont été principalement prises en charge par l’assurance maladie qui finance la CSBM (Consommation de Soins et de Biens Médicaux) à hauteur de 80%. Mais les soins de ville sont moins bien couverts par la Sécu (69,8%) que les soins hospitaliers (98%). Les complémentaires santé ne remboursent que 13% environ des dépenses de santé : un chiffre qui reste stable alors que le montant des cotisations explose.

Par ailleurs les frais de gestion des complémentaires santé s’élèvent à 16% pour les instituts de prévoyance, 19% pour les mutuelles et 22% pour les sociétés d’assurance. Ils ont progressé de 30% depuis 2010. Ces frais sont exorbitants en regard de ceux de la Sécurité sociale (entre 4 % et 6%). Au total (complémentaires et Sécu), ils s’élèvent à 7,7 milliards alors que la Sécu finance 6 fois plus de prestations. Ce système de double payeur est inefficient économiquement. Telle est la remarque de la Cour des Comptes qui montre qu’une Grande Sécu serait plus efficace qu’un cumul Sécu et complémentaires.

La PSC n’est pas une « affaire de retraité·es » ! Se mobiliser ensemble dans le cadre du 80ème anniversaire de la Sécu.

Les retraité·es refusent d’être des victimes mais pas seulement : elles et ils défendent, comme l’ensemble des actives et actifs, une conception politique de la protection sociale fondée sur l’égalité et la solidarité et donc porteuses et porteurs d’un questionnement sur son avenir.

La PSC, qui s’inscrit dans les attaques contre la Sécu et dans la marchandisation de la santé, concerne agent·es en activité et retraité·es. L’heure est à la défense et à la reconquête de la Sécu.

Exigeons l’abrogation de la réforme des retraites jamais votée. Exigeons les moyens nécessaires pour la santé et d’autonomie. Participons aux initiatives déjà prises à Tours, Paris… Au-delà de la commémoration, prenons l’offensive !

La France a largement les moyens de mener une politique plus ambitieuse de santé, financée à 100% par la Sécurité sociale. Il s’agit d’un choix politique qui passe aussi par une autre politique en matière d’emploi, de salaires et de services publics.

Daniel Rallet et Marylène Cahouet

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La vie militante ne s’arrête pas à la retraite ! Au contraire, les retraités du SNES-FSU participent activement aux mobilisations en cours (protection sociale, dépendance etc) et apportent leurs analyses à des dossiers intergénérationnels.

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